Une histoire des pratiques narratives collectives

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David Denborough
Storyline of collective narrative practice: a history of ideas, social projects and partnerships by David Denborough
The International Journal of Narrative Therapy and Community Work 2012 N°1

Traduction de Fabrice Aimetti et Pierre Blanc-Sahnoun avec l'aimable autorisation de David Denborough, le 12 novembre 2019.


Préface de Pierre Blanc-Sahnoun

Dans un coin du blog Errances Narratives, il y a une photo qui représente une rue déserte d'Adélaïde en Australie, tôt le matin, inondée d’un soleil printanier. La photo est de piètre qualité parce que prise avec mon téléphone de l’époque (un iPhone 3 !). Pourtant, à chaque fois que je la regarde, je retrouve le puissant sentiment d’excitation et d’appréhension que je ressentais ce matin-là en marchant à travers les rues silencieuses vers l’église St Andrews où j’allais participer à mon tout premier séminaire australien de thérapie narrative, quelques mois à peine après la mort de Michael White. Le titre du séminaire était “power of song” et l’enseignant un certain David Denborough.

Je m’étais inscrit à ce "pre-conference workshop" depuis Bordeaux plusieurs semaines auparavant, en finalisant mon premier voyage en Australie, une folie que je m’étais offerte pour m’engager le plus complètement possible dans ces idées narratives dont j’étais tombé amoureux lors de la visite de Shona Russell et Sue Mann en 2005, puis de Michael White à Paris en 2006 et 2007. Un collègue, qui avait participé au tout premier séminaire de Michael à Paris, l’été 2004, m’avait dit : "toi qui écris des chanson et qui fais du coaching, l’approche narrative te permettrait de faire les deux à la fois". Il avait raison.

En arrivant à St Andrews, accueilli à la façon chaleureuse et simple des anglo-saxons, je me demandais avec curiosité qui pouvait bien être ce Monsieur Denborough dont j’avais entendu parler lors d’un séminaire parisien de Michael White, où l’idée qu’il était possible d’écrire et d’interpréter des chansons avec les paroles des clients avait été mentionnée - déclenchant chez moi un enthousiasme intergalactique.

A un moment, je vois entrer un jeune avec des dreads jusqu’en bas du dos et des tongs. Il nous dit bonjour, nous installe en cercle et nous demande "comment la musique est-elle entrée dans vos vies et qu’est-ce que sa présence dans vos vie a rendu possible ?" Il note frénétiquement nos réponses, puis après quelques minutes passées à gribouiller de sa petite écriture de myope, il s’installe au piano et nous fait interpréter tous ensemble une chanson (d’où sort-il la mélodie : mystère) écrite avec nos paroles. Choc.

Ça a été le début de ma relation avec DD, comme on l’appelle pour le distinguer de "l’autre David". J’ai découvert à la fois un pionnier infatigable de l’activisme narratif politique et social, un théoricien de l’identité collective et de sa réparation, un artiste complet à la fois musicien, auteur de théâtre, écrivain, un sportif de haut niveau… en un mot, un phénomène, l’une de ces personnes comme on en rencontre quatre ou cinq fois dans une vie et qui vous amènent vers des points de bascule.

DD a accepté deux invitations à venir enseigner en France. La première fois, c’était avec Cheryl White qui a apporté une contribution essentielle au développement de la thérapie narrative dont elle a été, et est toujours aujourd’hui, à la fois une inspiratrice et une architecte et une tisseuse de communautés. La deuxième fois, c’était l’année dernière et nombreux sont les membres de notre groupe francophone qui ont vécu à leur tour ce point de bascule dans leur pratique -et sans doute aussi dans leur vie- qui résulte de la rencontre avec lui. "Il n’y a pas de guérison sans justice", voici le genre de phrase-boussole qu’il nous a laissées.

Aujourd’hui, après avoir traduit et publié "beyond the prison, gathering dreams of freedom", Fabrice Aimetti a l'excellente idée de traduire et partager ce texte essentiel, brillant et éclairant, qui retrace l’histoire des pratiques, narratives collectives et les replace dans leur contexte : celui de l’amitié, de la révolte et de l’espoir.

Voici, pour toutes celles et ceux d’entre nous qui ont reçu les narratives par petites séquences techniques, une lecture essentielle pour relier les points et transformer leur savoir en histoire. On y rencontrera de nombreuses figures qui ont inspiré et apporté leur pierre à la création des pratiques narratives. Aujourd’hui, lorsque confiné.e.s dans nos quatre murs, nous nous réconfortons au fil de visioconférences Zoom géantes en dessinant des arbres de vie guidés par Dina Scherrer, nous rendons hommage en permanence au travail et au talent de David Denborough, artiste discret à la générosité et à l’humour illimités, infatigable source d’inspiration pour toutes celles et ceux qui se dressent ici pour que vive la cause narrative.

Pierre Blanc-Sahnoun
Cofondateur de la Fabrique Narrative
Grand chasseur de Monstres et de Dragons

Sommaire

David Denborough, l'auteur

David Denborough travaille comme praticien communautaire, enseignant, auteur et rédacteur au Dulwich Centre. On peut le contacter au Dulwich Centre, P.O. Box 7192, Adélaïde, Australie-Méridionale. Courriel : daviddenborough@dulwichcentre.com.au


Mots-clés : thérapie narrative, pratiques narratives collectives, histoire des idées, externalisation, métaphore narrative, lettres thérapeutiques, collaborations, anthropologie, psychologie populaire, Michael White, David Epston, the Just Therapy Team, Cheryl White, Barbara Wingard, Dulwich Centre Foundation.

Introduction

Les pratiques narratives collectives sont un domaine émergent. S'appuyant sur les idées et les pratiques de la thérapie narrative (White & Epston, 1989, 1990; White, 1989a; Epston 1989a), les pratiques narratives collectives cherchent à répondre aux groupes et aux communautés qui ont connu d'importantes souffrances sociales dans des contextes dans lesquels la "thérapie" peut ne pas avoir de résonance culturelle. Cet article décrit le parcours de l'auteur à travers ce domaine émergent. Il fournit l'histoire des idées de six aspects clés de la thérapie narrative et décrit en détail un éventail de projets sociaux et de collaborations. J'espère que ce récit historique pourra contribuer à ce qui est actuellement une littérature relativement mince sur les origines sociales et intellectuelles de la thérapie narrative [1]. J'espère également que cet article fournira un fondement historique au domaine des pratiques narratives collectives.


En rédigeant cet article, je suis revenu aux textes que Michael White et David Epston ont écrits dans les années 1980, avant de parler de "thérapie narrative", et aux sources sur lesquelles ils s'appuyaient. Parallèlement à cette histoire des idées, les pratiques narratives collectives ont aussi émergé à partir d'expériences, de relations, de rencontres et de collaborations interculturelles et transgenres. Cet article décrit mon parcours à travers tout cela. C'est un voyage qui a commencé en 1993.


En 1993, à 23 ans, je vivais à Sydney. Quelques années plus tôt, j'étais diplômé en Travail Social, et je travaillais dans une prison de sécurité maximale au sein des unités sociales et d'enseignement, ce qui consistait à animer des groupes pour les détenus transgenres et pour les jeunes hommes récemment emprisonnés, et à "enseigner" les questions de classe, de genre et de race dans une formation aux sciences sociales pour des détenus qui espéraient travailler dans ce domaine lorsqu'ils seraient libérés. En même temps, je me portais volontaire pour rencontrer régulièrement des jeunes hommes dans les écoles au sujet des questions de genre et de violence.


En regardant en arrière à ce moment de ma vie, je peux voir que j'avais vraiment du mal à trouver comment répondre à ce qui étaient, pour moi, deux découvertes relativement récentes :

  • Mon arbre généalogique avait été "replanté dans la cour de quelqu'un d'autre"[2]. Travailler dans les prisons m'a permis d'être en contact et d'établir des liens importants avec des représentants des Premières Nations d'Australie. Avant de travailler en prison, je n'avais jamais, à ma connaissance, rencontré d'Aborigènes. Je n'avais certainement jamais essayé auparavant de comprendre ma vie à travers le prisme de l'Australie aborigène. Je n'avais jamais auparavant saisi la façon dont la police et les prisons en Australie représentaient l'occupation continue des terres aborigènes et la privation continue des droits des pauvres.
  • Le mal que les gens de mon sexe (les hommes) ont fait et continuent de faire aux femmes, aux enfants et aux autres hommes.


Travaillant dans les écoles, je rencontrais des jeunes hommes à l'aube de la masculinité adulte. Parfois, le plaisir, le mirage et l'ouverture d'esprit se voyaient dans leurs yeux. À d'autres moments, la brutalité et la cruauté prédominaient. Chaque atelier que nous animions dans les écoles avec la MASA (les Hommes ccontre les agressions sexuelles ~ Men Against Sexual Assault[3]) consistait à voir comment les formes dominantes de masculinité façonnaient la vie de ces jeunes hommes et à faire de notre mieux pour ouvrir un espace à d'autres façons d'être. Du lundi au mercredi, je rencontrais des hommes en prison, dont certains avaient violé, agressé, assassiné d'autres personnes. Et le jeudi et le vendredi, je rencontrais des jeunes hommes dans les écoles, dont certains étaient déjà convaincus qu'ils allaient passer une partie de leur vie derrière les barreaux et les barbelés.


À l'époque, je lisais tout ce qui pouvait offrir des possibilités d'action, y compris les écrits féministes de la deuxième vague (Greer, 1970 ; Morgan, 1970), les théoriciens du genre post-structuralistes (Davies, 1993) et ceux sur les masculinités (Segal, 1990 ; Connell, 1987 ; Kimmel, 1987 ; Messerschmidt, 1993).


C'est ainsi qu'un jour, j'étais assis à mon bureau à la prison à sécurité maximale de Long Bay quand une collègue m'a remis un exemplaire du bulletin d'information du Dulwich Centre intitulé Quelques réflexions sur les façons d'être des hommes ~ Some thoughts on Men's Ways of Being (1992).


"Je pense que cela pourrait i'intéresser", a-t-elle dit.


Elle avait raison.


Quelques réflexions sur les façons d'être des hommes

Il y avait beaucoup de choses qui me fascinaient dans ce livre, en particulier un article de Michael White intitulé "La culture des hommes, le mouvement des hommes et les fondations de la vie des hommes ~ Men's culture, the men's movement, and the constitution of men's lives" (1992). Michael y articulait certains des "effets réels du projet essentialiste" de l'identité masculine (p. 37) qui :

  • identifie certaines "vérités" sur la nature des hommes" (p. 37)
  • est fondamentalement conservatrice et génératrice d'une forme paralysante de nostalgie pour ce qui n'a jamais été" (p. 37)
  • nous recrute dans un récit mytho et myope de la nature de l'homme" (p. 37)
  • nous aveugle sur notre complicité dans le maintien de la domination et de l'abus d'autrui, et à notre soutien des structures économiques, politiques et sociales qui préservent et favorisent les privilèges des hommes" (p. 38)
  • incite les hommes à se séparer des femmes et à s'en éloigner" (p. 39)


Il a ensuite proposé une "autre perspective sur l'aspect personnel, une perspective qui rapproche l'aspect personnel et la politique" (p. 35). Il y fait référence à une "perspective constitutionnaliste" qui propose que :

  • une "connaissance objective du monde n'est pas possible ; que les savoirs sont en fait générées dans des domaines discursifs particuliers dans des cultures spécifiques à des moments précis" (p. 40)
  • toutes les notions essentialistes de la nature humaine sont en fait des ruses qui dissimulent ce qui se passe réellement" (p. 40).
  • les descriptions que nous avons de la vie ne sont pas des représentations ou des reflets de la vie telle que vécue, mais sont directement constitutives de la vie" (p. 40)
  • l'identité est multiple, et qu'elle est le produit de la négociation continue de subjectivités multiples" (p. 43).


Dans cet article, Michael s'est inspiré des écrits de Foucault (1979, 1980, 1984, 1988), Billig et al (1988), Sawicki (1991), E. Bruner (1986) et J. Bruner (1990), et a fourni ce qui était pour moi une toute nouvelle façon de comprendre l'identité et, par conséquent, de nouvelles possibilités pour agir :

La perspective constitutionnaliste propose plus qu'un simple défi au projet essentialiste et à ses effets réels négatifs. Et elle déclenche davantage qu'une simple volonté de séparer nos vies des aspects problématiques de la culture dominante des hommes.
Elle déclenche également une détermination à s'engager dans des processus qui génèrent et/ou ressuscitent des savoirs et des pratiques alternatives des manières d'être des hommes, et qui conduisent au développement et à la performance de récits alternatifs de soi qui ont des effets préférés réels. (White, 1992, p. 43)


C'est cet article de Michael White qui m'a introduit la perspective narrative - une perspective qui réunit la personne et le politique d'une manière particulière :

J'ai proposé un autre cadre de référence pour les tentatives des hommes à transformer la culture masculine dominante, un cadre que j'ai appelé la perspective constitutionnaliste. Je crois que cette perspective nous permet d'affronter et d'accepter notre histoire et nous libère de faire quelque chose de très difficile, c'est-à-dire d'avoir le courage de trouver les moyens d'agir contre notre propre culture. C'est une perspective qui rassemble l'aspect personnel et le politique à plusieurs niveaux. (White, 1992, p. 51)


J'étais fasciné. Ces idées pourraient-elles fournir de nouvelles options pour les conversations que je partageais dans les prisons et les écoles ? Et que pourraient-elles signifier en termes de compréhension de ma propre vie et de mes relations ?


Il y a autre chose qui m'a profondément marqué dans Quelques réflexions sur les façons d'être des Hommes ~ Some thoughts on Men's Ways of Being (1992) : les articles et les entretiens ont été réalisés par aussi bien par des hommes que des femmes et la note de l'équipe de rédaction (Cheryl White, Maggie Carey et Chris McLean) indiquait que ce livre était le résultat de collaborations entre les genres. Quels étaient ces collaborations transgenres ? Que pourraient-elles rendre possible ? Comment ont-elles vu le jour ?


Plus tard, j'ai appris que ces collaborations transgenres et le lancement du livre Quelques réflexions sur les façons d'être des Hommes (1992) étaient dus à un défi lancé par Taimalieutu Kiwi Tamasese et l'équipe JustTherapy de Nouvelle-Zélande, comme Cheryl le décrit :

(Taimalieutu Kiwi Tamasese)... m'a dit quelque chose qui a fait une énorme différence dans mon approche de ces questions [de culture et de genre]. Elle a dit qu'elle savait que je m'intéressais vraiment aux femmes d'autres cultures, mais que pour elle, j'étais plus un homme blanc qu'une femme de couleur. Ce n'était pas personnel. Elle a dit qu'elle croyait qu'en termes d'expérience vécue et de privilèges, les féministes blanches ressemblent plus aux hommes blancs qu'à des femmes de couleur. Par conséquent, elle a dit qu'il était de notre responsabilité de travailler avec des hommes blancs. "Allez travailler avec les gens que vous pouvez influencer" a-t-elle dit ! Et c'est ce que j'ai fait. Je suis allé travailler avec des hommes blancs sur des questions de genre de toutes sortes de manières... Pendant quelques années, le Dulwich Centre Publications a concentré son énergie sur les questions des hommes et de la masculinité. Avec d'autres femmes, nous avons organisé des ateliers, écrit des pétitions, essayé d'encourager le développement de méthodes de travail avec les hommes sur les questions de violence et publié un certain nombre de numéros de revues qui ont fini par devenir un livre. J'ai souvent plaisanté en disant que beaucoup d'hommes en Australie auraient aimé que je n'écoute pas Kiwi ! De mon point de vue, un apprentissage était nécessaire, et moi et d'autres femmes féministes blanches avions besoin de travailler au sein de notre propre culture sur les questions de genre avant de chercher à travailler en collaboration interculturelle. Nous avions également besoin de développer un réseau de personnes liées au Dulwich Centre Publications qui seraient prêtes et désireuses d'aborder les questions de genre et de culture, et cela s'est progressivement développé. (Yuen et White, 2007, pp. 23-24)


C'est cette histoire sociale des collaborations qui a conduit au livre Quelques réflexions sur les façons d'être des Hommes. À la page 69 de ce livre, j'ai lu la publicité suivante :

Formation en thérapie familiale - 1993
Une semaine de stage avec Michael White

Cette formation proposera une présentation d'une "thérapie pour redevenir auteur". Cette thérapie est fondée sur l'idée que la vie et les relations des personnes sont façonnées par les savoirs et les histoires mêmes que les gens utilisent pour donner un sens à leurs expériences, et par certaines pratiques de soi et de relations qui sont associées à ces savoirs et histoires. Une thérapie pour redevenir auteur contribue à la résolution des problèmes des personnes en (a) permettant de séparer leur vie des relations avec des savoirs/histoires qui les appauvrissent, (b) les aidant à remettre en question les pratiques de soi et des relations qui assujettissent, (c) en encourageant les personnes à redevenir auteures de leur vie en selon des savoirs, histoires et pratiques alternatives et préférées de soi et de la relation qui ont des issues préférées.


Intrigué par la perspective d'aider les personnes à "redevenir auteures de leurs vies", j'ai réservé une place.

Les idées/pratiques de la Thérapie narrative

Pendant le stage, j'ai séjourné dans une auberge de jeunesse, à deux pas du Dulwich Centre. Un certain nombre de mes colocataires étaient des ronfleurs confirmés et, comme le sommeil n'était pas vraiment une option, j'en ai profité chaque soir pour revoir les notes que j'avais prises pendant la journée. Il s'est passé tant de choses cette semaine-là. Deux domaines connexes ont eu une influence identique - les idées/pratiques de la "thérapie pour redevenir auteur de sa vie" telle qu'enseignée par Michael White et les projets sociaux dans lesquels le Dulwich Centre était engagé.


John McLeod a suggéré que la thérapie narrative représente une "perspective post-psychologique" (McLeod, 2004, 2007) et qu'elle peut être décrite comme un "travail culturel " (McLeod, 2005). Ce qui m'a amené à Adélaïde, c'est la recherche de moyens de répondre aux questions de culture, notamment la masculinité, la violence et d'autres formes d'injustice.


Chaque soir, dans le salon de l'auberge de jeunesse, je me suis retrouvé à revisiter un certain nombre de thèmes qui, je crois, sont directement liés à l'élaboration de pratiques narratives collectives :

  1. Replacer les problèmes personnels dans le domaine de la culture et de l'histoire - externalisation
  2. La métaphore narrative et la pratique narrative
  3. Les contre-documents et lettres thérapeutiques
  4. L'importance des collaborations
  5. Une anthropologie des problèmes et l'archivage des savoirs alternatifs
  6. La psychologie populaire et l'identité intentionnelle.

Je ne décrirai pas ces thèmes d'une manière que je n'aurais pas pu faire en 1993. Ce faisant, je retracerai aussi brièvement l'histoire intellectuelle de ces idées que j'ai trouvées si passionnantes en 1993 et encore aujourd'hui.


Replacer les problèmes personnels dans le domaine de la culture et de l'histoire - externalisation

Plutôt que de localiser les problèmes chez les individus, les pratiques narratives localisent les problèmes personnels dans les domaines de la culture et de l'histoire. Comme l'explique McLeod, il s'agit d'un mouvement extérieur vers les histoires d'une culture plutôt qu'un mouvement intérieur vers une expérience personnelle individuelle. (McLeod, 1997, p. 27).Cela va de remettre le problème de l'encoprésie dans la culture de l'enfant comme "le personnage traître du caca sournois" (White, 1984) à la localisation du problème des "voix et visions" de la prétendue schizophrénie en dehors de la personne et dans les domaines de la politique et de la justice :

Il a été important pour nous de faire l'expérience de notre travail pour réclamer nos vies à partir des voix et des visions gênantes en tant que lutte contre l'injustice. Ces voix et visions sont oppressantes, et puisque notre travail de renégociation de notre relation avec ces voix et visions porte sur des questions de pouvoir et de contrôle, alors cette relation est une relation politique. Cette compréhension politique nous donne de la force, car elle nous garde en contact avec le fait que nous sommes non seulement dans un voyage personnel, mais aussi dans un voyage politique. (Brigitte, Sue, Mem et Veronika, 1997, p. 29)


Ce processus qui consiste à replacer les problèmes dans le contexte de la la culture et de l'histoire est maintenant largement connu sous le nom d'"externalisation du problème", un concept/pratique qui a pris une importance internationale avec la publication des Moyens narratifs au service de la thérapie ~ Narrative Means to Therapeutic Ends (White & Epston, 1990).


Le processus a été décrit pour la première fois par Michael White, dans ses articles révolutionnaires "Pseudo-encoprésie : de l'avalanche à la victoire, des cycles vicieux aux cycles vertueux ~ Pseudo-encopresis: from avalanche to victory, from vicious to virtuous cycles" (1984) et 'La peur et l'apprivoisement des monstres : Une approche des peurs des jeunes enfants ~ Fear busting & monster taming : An approach to the fears of young children' (1985). A ce stade, l'expression externalisation n'a pas été utilisée, mais les enfants et les parents étaient invités à se serrer les coudes en réponse au "caca sournois" et à dompter "les peurs" de manière élaborée afin d'obtenir un "Certificat d'aptitude à attraper et apprivoiser les monstres et les vers " ou un "Diplôme pour vaincre la peur" et de devenir membre soit de la "Guilde des chasseurs et dompteurs de monstres et de vers d'Australie et de Nouvelle Zélande" soit de l'Association pour l'élimination de la peur de l'hémisphère Sud (White, 1985, p. 111).


En 1986, dans l'article "la Famille échappe aux ennuis ~ Family escape from trouble", ce processus a d'abord été appelé "externalisation " : "Externaliser et objectiver le problème et le placer entre les personnes est le premier pas vers une définition interactionnelle du problème et une solution interactionnelle au problème" (White, 1986, p.59).


Un an plus tard, dans l'article Thérapie familiale & Schizophrénie : aborder le mode de vie particulier ~ Family Therapy & Schizophrenia: Addressing the ‘in-the-corner’ lifestyle (1987), Michael White commence à s'inspirer des écrits de Michel Foucault (1979) pour l'expliquer :

Dans le processus d'externalisation des problèmes, les pratiques culturelles d'objectivation sont utilisées contre les pratiques culturelles d'objectivation. Le problème lui-même est externalisé de telle manière que la personne n'est pas le problème. Au lieu de cela, le problème est le problème. Cette objectivation et externalisation du problème remet en question les techniques d'individualisation de la classification scientifique et autres pratiques de différenciation plus globales (White, 1987, p. 52).


D'où l'expression "la personne n'est pas le problème... le problème est le problème" qui est devenue l'emblème des pratiques narratives et de son éthique externalisante, son refus de pathologiser ou de mettre les problèmes dans les individus.

La métaphore narrative et les pratiques narratives

"Writing your history", de David Epston (1986) a été le premier article à décrire ce que l'on pourrait appeler une "thérapie narrative "[4]. Il décrit les conversations de David avec Marisa qui ont eu lieu en 1985 et qui l'ont amené à "abandonner la métaphore de la stratégie/du stratégique[5] et à la remplacer par l'histoire et le récit" (Epston, 1989b, p. 134).

Dans cet article, David Epston cite Gergen & Gergen (1983, 1984) :

Gergen et Gergen (1983) ont utilisé le terme d'auto-récits (self-narratives) pour décrire le processus social par lequel les gens se racontent des histoires sur eux-mêmes et sur les autres. Ils décrivent les récits de soi comme la façon dont les individus...
"établissent des liens cohérents entre les événements de la vie. Plutôt que de voir sa vie comme une simple "et fichue chose après l'autre", l'individu tente de comprendre les événements de la vie comme étant systématiquement liés. Ils sont rendus intelligibles en les situant dans une séquence ou un "processus de déroulement/d'élaboration". La plupart des événements ne sont donc pas des révélations soudaines et mystérieuses, mais une séquence cohérente d'histoires en mouvement". (Gergen & Gergen, 1984, p. 174).

David Epston cite également Murray (1985) et Goffman (1959), car il a apporté une métaphore narrative au domaine de la thérapie.

Dans ses écrits de la fin des années 1980, Michael White fait un certain nombre de références reconnaissant la manière dont David Epston avait développé une approche thérapeutique unique basée sur la théorie de l'auto-récit (White, 1987, p. 48) et comment David Epston avait encouragé Michael à confronter son travail à la métaphore textuelle (White, 1988b, p. 40). Encouragé également par l'intérêt de Cheryl White pour la métaphore narrative à travers sa lecture du féminisme (White, 1989b, p. 12), l'approche externalisante de Michael White a été associée aux explorations narratives de David Epston... et soudain, tant de choses sont devenues possibles !

En 1988, Michael White a écrit trois articles de fond, chacun publié par le Dulwich Centre Publications, devenu entre-temps une maison d'édition bien rodée :

  • Un processus de questionnement : une thérapie du mérite littéraire (1988b)
  • Dire bonjour à nouveau : l'intégration de la relation perdue dans la résolution du deuil (1988a)
  • L'externalisation du problème et la ré-auteurisation des vies et de relations (1988/9)

Et en 1989, quatre ans et demi après sa première rencontre avec Marisa, David Epston l'a rencontrée à nouveau. Dans cette conversation de suivi, Marisa réfléchit à l'expérience d'"écrire son histoire" :

La lettre m'a donc fait beaucoup de bien... de voir tout cela écrit. Je veux dire que vous lisez des histoires et ce sont des histoires. Mais ce n'était pas une histoire, c'était ma vie telle que je la vis. Et aujourd'hui, en y repensant, je n'aurais pas pu... comment aurais-je pu survivre à tout cela ? Mais je suis toujours là pour raconter l'histoire (rires). (Epston, 1989b, p. 135)

Dans son article "Marisa revisits" (Epston, 1989b, p. 128), David Epston cite Barbara Hardy (1968) : "nous rêvons dans le récit, rêvassons dans le récit, nous nous souvenons, anticipons, espérons, prévoyons, croyons, doutons, planifions, révisons, critiquons, construisons, bavardons, apprenons, haïssons et aimons par le récit".

Il cite également Lowe (1989) afin de situer ces tentatives de création d'une nouvelle forme de thérapie dans le cadre d'un projet social plus large :

... nous pouvons inventer une nature humaine plus douce, en réinventant nos propres définitions. Cela doit être un exercice de volonté et d'imagination. Bien que nous puissions essayer de laisser nos clients faire évoluer leurs propres significations et explications comme certains modèles le suggèrent, c'est sûrement impossible, nous ne pouvons pas ne pas les influencer ... Une approche plus positive consisterait à reconnaître le degré de notre influence et à accepter la responsabilité d'inventer des théories de la personne qui pourraient contribuer à la formation d'une société plus juste. (pp. 32-33)

En 1989, David Epston et Michael White ont également co-écrit Literate Means to Therapeutic Ends. Influencé par le "tournant interprétatif" plus large qui se produit dans l'anthropologie et la théorie littéraire, et s'inspirant largement de J. Bruner (1986), E. Bruner (1986), Foucault (1979, 1980, 1984), Geertz (1983), Gergen & Gergen (1984), et Goffman (1961, 1974), Michael White et David Epston ont proposé une thérapie basée sur la "ré-auteurisation" (redevenir auteur, re-authoring) (Myerhoff, 1982) ou le fait de "ré-histoiriser" (re-storying) des vies.

Cette thérapie du ré-auteuriser (redevenir auteur de sa vie, re-authoring) est basée sur l'hypothèse que :

... les personnes vivent des problèmes, pour lesquels elles demandent fréquemment une thérapie, lorsque les récits dans lesquels elles "mettent en histoire" leur expérience, et/ou dans lesquels leurs expériences sont "racontées" par d'autres personnes, ne représentent pas suffisamment leur vécu, et que, dans ces circonstances, il y aura des aspects significatifs de leur vécu qui contrediront ces récits dominants. (White & Epston, 1989, p. 22)

Ainsi, la tâche de la thérapie devient :

... l'identification ou la génération d'histoires alternatives qui permettent aux personnes de donner de nouvelles significations qui apportent des possibilités recherchées ; de nouvelles significations que les personnes ressentiront comme plus utiles, plus satisfaisantes et ouvrant plus de possibilités. (White & Epston, 1989, p. 22)

Une thérapie du mérite littéraire[6] a été proposée, qui s'intéresse à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces histoires alternatives. Après que Literate Means to Therapeutic Ends ait été republié par W.W. Norton sous le titre Narrative Means to Therapeutic Ends, cette thérapie du mérite littéraire, ou thérapie pour redevenir auteur, a été progressivement désignée sous le nom de "thérapie narrative".[7]

Toutefois, il est important de mentionner un autre aspect important de Literate Means to Therapeutic Ends. Il s'agit de l'invitation faite aux praticiens de prendre en compte à la fois les traditions orales et écrites (Stubbs, 1980) et d'étudier le potentiel thérapeutique des pratiques de l'écrit.

Les contre-documents et les lettres thérapeutiques

Les deux tiers de Literate Means to Therapeutic Ends (les moyens littéraires/textuels/de l'écrit à des fins thérapeutiques) consistent en de nombreux exemples de lettres thérapeutiques et de contre-documents (NdT : contre-histoires) qui célèbrent "la nouvelle histoire" (p. 131). Voici des exemples d'écrits qui contrastent avec les "dossiers" psychiatriques dégradants :

Il y a les pratiques, situées dans le domaine des savoirs populaires locaux alternatifs, qui ont la capacité de redécrire et de définir les personnes de manière à mettre en valeur leurs savoirs et compétences particulières, et leur place dans la communauté des personnes... Les pratiques associées à ces documents alternatifs sont en contraste avec celles associées au dossier (psychiatrique)
... Des prix de différentes natures, tels que des trophées et des certificats peuvent être considérés comme des exemples de documents alternatifs. Ces récompenses indiquent souvent que la personne gagne un nouveau statut dans sa communauté, ce qui lui confère de nouvelles responsabilités et de nouveaux privilèges. Comme ces documents alternatifs ont le potentiel de recruter un grand lectorat et un grand auditoire pour la diffusion de ces nouvelles histoires, elles peuvent être replacées dans ce que Myerhoff (1982) appelle des cérémonies définitionnelles. (White & Epston, 1989, p. 131)

Les exemples de lettres et de documents sont divers :

  • Déclarations d'indépendance par rapport à l'asthme
  • Certificats de victoire contre les mauvaises habitudes
  • Certificats d'avoir échappé à la malchance
  • Certificats d'être sorti de la culpabilité

Et ainsi de suite.

Il existe maintenant une riche tradition de documentation au sein de la thérapie narrative (voir aussi Epston 1998, 2008a, Epston & White, 1990 ; White, 1995a ; Freeman, Epston, & Lobovits, 1997 ; Fox, 2003 ; Newman, 2008 ; Madigan, 2011 ; Freedman & Combs ; 1996 ; Lobovits, Maisel, & Freeman, 1995).

L'importance des partenariats

La préface du livre Literate Means to Therapeutic Ends a été écrit par Karl Tomm. Il y écrit : "L'innovation dans n'importe quel domaine est un accomplissement majeur, mais le faire dans différentes directions en même temps et d'ouvrir ainsi de nouveaux territoires constitue un tour de force" (Tomm, 1989, p. 5).

Ce tour de force représente huit années de conversation, d'amitié et de partenariat intellectuel entre David Epston et Michael White. Dans la longue citation qui suit, Cheryl White (2009) exprime l'importance de ce partenariat :

Leur [David Epston et Michael White] amitié et leur partenariat intellectuel constants ... se caractérisaient par un optimisme inébranlable, une passion pour les idées, ce qui semblait être une énergie sans limite, et un réel dévouement pour aider les familles qu'ils rencontraient ... Leur collaboration comportait des défis stimulants en raison de leurs différents points de vue. Tous deux étaient des thérapeutes familiaux, mais David était également d'origine Eriksonienne. Tous deux étaient des lecteurs assidus mais s'y prenaient de manière très différente. David lisait étonnamment beaucoup de choses, faisant appel à sa formation d'anthropologue, tandis que Michael se concentrait rigoureusement sur un auteur à la fois (Bateson, puis Foucault puis encore s'autres). En fait, David était connu pour dire que s'il laisait lui-même un millier de livres une fois, Michael lisait le même livre un millier de fois, trouvant continuellement de nouvelles sources d'inspiration pour la pratique thérapeutique. Ils partageaient la même estime pour leurs différences.
Au début, si l'un d'entre eux était "coincé" par une famille qu'il suivait, il appelait l'autre et lui parlait de tout, générait de nouvelles idées puis retournait les essayer. On avait l'impression que presque chaque semaine, il y avait un nouveau développement et que les idées devaient être partagées :
"... nous avons décidé de faire de nos idées et de nos pratiques un patrimoine commun et nous avons juré que nous ne deviendrions jamais des rivaux. Nous avons fait ce que nous avions dit que nous ferions toutes ces années jusqu'à sa mort..." (Epston, 2008, p. 5)
Il n'y avait pas de sentiment de propriété, de possession ou la prédominance des idées, mais plutôt la joie de les offrir à un monde qui cherchait de nouvelles façons de travailler ... En reconnaissant la contribution d'Ann Epston et de Michael White à ses idées et à son travail, David a déclaré : "À présent, je ne sais pas où cela commence et où cela finit" (Epston, 1989, p. 118).
Ce sentiment résume à mes yeux le partenariat intellectuel entre Michael White et David Epston. Les origines de ce que l'on appelle aujourd'hui la thérapie narrative sont le fruit d'une philosophie politique commune et d'interminables heures de conversation. (White, C. 2009, p. 50-60)

Je le rappelle, trois partenariats différents ont déjà été reconnus jusqu'ici, qui se rapportent au développement d'idées dans lesquelles je me suis engagées en 1993 et qui ont ensuite forgé les pratiques narratives collectives. Ces partenariats sont les suivants :

  1. Le partenariat entre David Epston et Michael White ;
  2. Le partenariat entre l'équipe de la Thérapie Juste[8] de Nouvelle-Zélande (représentée par Kiwi Tamalieutu-Tamasese) et le Dulwich Centre Publications qui a entraîné la décision par Cheryl White d'aborder et de publier sur les questions de masculinité ;
  3. Le partenariat entre les femmes et les hommes au sein de la "communauté d'idées" du Dulwich Centre d'Adélaïde et qui a conduit à la publication de Some thoughts on Men's Ways of Being (1992).

Une anthropologie des problèmes et l'archivage des savoirs alternatifs

David Epston a d'abord été formé à l'anthropologie et l'influence de cette histoire se fait sentir dans le domaine des pratiques narratives : "Je suis progressivement passé d'une démarche anthropologique académique à la recherche de moyens permettant plutôt aux modes de pensée anthropologiques de soutenir ma pratique de thérapeute" (Epston, 2001, p. 178). Une façon de décrire David Epston serait en tant qu'anthropologue des problèmes et un archiviste des savoirs alternatifs :

J'ai toujours pensé que je faisais de la recherche, mais sur les problèmes et les relations que les gens entretiennent avec ces problèmes, plutôt que sur les personnes elles-mêmes. La structuration des questions narratives et des entretiens me permet, ainsi qu'à d'autres, de mener des recherches conjointes sur les problèmes et les savoirs alternatifs qui sont développés pour les résoudre. (Epston, 2001, p. 180)

Dans les années 1980, David Epston a commencé à partager les savoirs de ceux qui le consultaient en thérapie avec d'autres qui connaissaient des difficultés similaires. Il a rassemblé les "sagesses" des clients et ce qu'il a appelé les "savoirs d'expert" des clients dans des archives (Epston, 2001). Ces archives contenaient des bandes audio, des lettres et des oeuvres d'art qui représentaient "une riche source de solutions pour un ensemble de problèmes anciens tels que la maîtrise de la colère, les peurs nocturnes, le refus de l'école, l'asthme, et ... l'anorexie et la boulimie" (Madigan & Epston, 1995, p. 263). Peu à peu, David Epston a commencé à créer des réseaux de clients qu'il a appelés "ligues" afin qu'ils puissent se consulter, s'informer et se soutenir mutuellement, l'exemple le plus connu étant la Ligue Anti-Anorexie/Anti-Boulimie (Grieves, 1997 ; Lock, Epston & Maisel 2004 ; Lock, Epston, Maisel & de Faria, 2005 ; Maisel, Epston & Borden, 2004 ; Malson & Burns, 2009 ; Epston, 2008). Avec son collègue, Stephen Madigan, cette approche visant à mettre en relation des groupes de clients afin de partager des "savoirs sur les solutions" est venue à être désignée comme générant des "communautés d'intérêt" (Madigan & Epston, 1995). Grâce aux nouvelles technologies, ces communautés d'intérêt ont d'abord utilisé des télécopieurs pour envoyer des messages dans le monde entier, puis des ligues en ligne ont répondu à diverses questions, notamment les "Archives de la résistance : Anti-anorexie/Anti-boulimie (www.narrativeapproaches.com).

Une grande partie de mon travail de thérapeute narratif a été liée à mon souci d'agir contre cette appropriation des savoirs dans le domaine des professions de santé. En reconnaissant les savoirs alternatifs sur la vie qui sont souvent co-créés dans des conversations de ré-auteurisation, la question devient alors de déterminer comment rester fidèle aux sources de ces savoirs, et comment rendre justice à la représentation de ces sources de ces savoirs. Cela a conduit à la formation de ligues (par exemple la Ligue Anti-Anorexie et Anti-Boulimie) par lesquelles les savoirs locaux de ceux qui consultent des thérapeutes peuvent être représentées de manière à reconnaître les auteurs de ces savoirs, à documenter les moyens mêmes par lesquels ces savoirs locaux ont été créées et à les rendre accessibles à d'autres.

Cela m'a conduit à une réflexion sur les archives et le rôle des archivistes. L'idée de l'archivage m'a toujours fasciné et, à bien des égards, je me considère comme un archiviste, un co-créateur et un anthologiste des savoirs alternatifs. (Epston, 2001, p. 179)

Cette recherche anthropologique des problèmes et l'archivage des savoirs locaux ont permis de jeter les bases des pratiques narratives collectives.

Psychologie populaire et Identité performative

Après Bruner (1990), David Epston et Michael White se sont également intéressés à situer leurs explorations narratives dans les traditions de la psychologie populaire. Un thème qui a émergé de la nouvelle anthropologie culturelle a été de considérer les réalités et les identités des personnes telles qu'elles sont réparties dans les communautés :

Cette nouvelle anthropologie culturelle, dont le sens est au centre, s'intéresse à la construction sociale des réalités des gens, c'est-à-dire des réalités qui ne sont pas directement  dérivées de la construction indépendante des événements de la vie. Ces réalités ne sont pas le résultat d'un accès privilégié au monde tel qu'il est, elles ne sont pas le fruit d'une compréhension objective de la nature des choses. Les réalités des gens étaient plutôt comprises comme des produits historiques et sociaux, négociés dans et entre les communautés de personnes et distribués dans ces communautés.
C'est le cas de l'identité comme de toute autre construction ; l'identité était comprise comme un processus qui se déployait au sein des communautés de personnes, ses traces se retrouvant partout, y compris dans :
• des récits de soi socialement négociés,
• les impressions et l'imagination des autres,
• la représentation théâtrale,
• la danse, le jeu, le chant et la poésie,
• les rituels, les cérémonies et les symboles,
• les tenues et les habitudes de vie, et
• la documentation personnelle et publique, disséminée par le biais des enregistrements, a permis d'entrer dans des histoires communautaires, dans des journaux personnels, dans des correspondances sous forme de lettres et de notes, dans des dossiers publics sous forme de portraits, d'évaluations et de rapports, et dans la longue tradition de l'autobiographie. (White, 2001a, p. 12).

La façon dont l'identité est disséminée dans les communautés de personnes par le biais du théâtre, de la danse, du chant, des rituels et de la documentation (voir également Turner, 1986) nous a incités à explorer chacun de ces éléments en tant que terrains des pratiques narratives collectives.

Retour à l'auberge de jeunesse

Lorsque j'ai suivi ma première formation en 1993, trois ans s'étaient écoulés depuis la publication de Narrative Means to Therapeutic Ends. Au cours de ces trois années, le potentiel de la métaphore narrative de la thérapie s'était encore développé. Un article majeur de David Epston & Michael White (1990) a examiné de manière plus approfondie les applications possibles de la métaphore du rite de passage(van Gennep, 1960 ; Turner, 1967) et sur les moyens de "consulter vos consultants" (consult your consultants) : "ce qui distinguait la consultation de ses consultants de toute autre pratique "thérapeutique" de l'époque était la "consultation" d'un "vétéran" du problème et non d'un "malade" du problème" (D. Epston, communication personnelle, 29 mai 2011 ; voir également Marsten, Epston et Johnson, 2011) Ce processus a constitué un précédent important pour les pratiques narratives collectives.

A peu près à la même époque, Michael White (1991), en rédigeant un texte important intitulé "Déconstruction et thérapie", s'était inspiré de Bourdieu (1988), Derrida (1981) et Bruner (1986) pour fournir des exemples plus détaillés du "paysage de l'action" (p. 128) et du "paysage de la conscience" (p. 131) et comment ceux-ci pourraient contribuer à la création d'histoires alternatives. Et bien sûr, Some thoughts on Men's Ways of Being (1992) a été publié. Grâce à la générosité de de Cheryl White, j'ai laissé cette première version avec une copie de tout ce qui a été écrit sur la "ré-auteurisation" (re-authoring) ou la "thérapie narrative" ! Dix-huit ans plus tard, alors que je revisite cette histoire, je me suis appuyé sur cette même version des premiers textes originaux.

Chaque soir, assis dans le salon de l'auberge de jeunesse, il y avait tant de choses à penser. Comme je n'étais pas thérapeute et que je n'avais pas prévu de travailler comme tel, j'étais particulièrement intéressé par la manière dont ces idées de ré-auteurisation pouvaient être liées à des projets plus vastes. Il semblait y avoir tellement de possibilités, comme le décrit John McLeod (2007) :

En termes sociaux, les thérapies psychologiques individualistes traditionnelles fonctionnent comme une sorte de "puits" émotionnel dans lequel les tensions communautaires et interpersonnelles sont absorbées. En revanche, la thérapie narrative a la capacité à canaliser l'énergie provenant des troubles individuels et à la transformer en une action sociale productive. Dans ce travail, le concept de narration fournit un pont entre les histoires racontées par des personnes précises, et les discours et récits dominants dans lesquels nous vivons tous collectivement nos vies. (p. 244)

C'est ce lien qui m'a à la fois fasciné et excité. Tout comme la façon dont la "communauté d'idées" du Dulwich Centre était déjà engagée dans un certain nombre de projets sociaux.

Les projets sociaux

Cheryl White (2011) a récemment décrit les moyens par lesquels le développement de la thérapie narrative était étroitement lié aux mouvements sociaux et aux projets sociaux plus larges des années 1960 et 1970 :

Nous étions à l'époque où les mouvements sociaux remettaient en question le pouvoir considéré comme allant de soi dans toute une série de domaines. Au départ, l'accent était mis sur la guerre du Vietnam et le féminisme. Puis, la priorité a changé. Avec beaucoup d'autres, Michael (White) est devenu déterminé à contester et à proposer des alternatives aux pouvoirs considérés comme allant de soi dans les services de santé mentale et de psychiatrie.

À partir des années 1960, des écrivains tels que Michel Foucault, Erving Goffman, R.D. Laing, Thomas Szasz et Franco Basaglia ont commencé à critiquer les pratiques couramment acceptées en psychiatrie et l'influence des conceptions psychiatriques sur la société en général. Des mouvements sociaux de consommateurs/survivants parmi ceux qui avaient subi des traitements dégradants dans les établissements de santé mentale ont également commencé à faire campagne pour le changement : un mouvement social a mis fin à une guerre et un autre a modifié les relations entre les femmes et les hommes et leur mode de vie. Au fur et à mesure que les gens de nombreux pays étaient déterminés à modifier la façon dont leur société répondait aux personnes en détresse sociale et émotionnelle, c'est devenu une passion dans la vie de Michael. Et c'est cet engagement qui a conduit au développement de ce qui est maintenant connu sous le nom de thérapie narrative. (White, C., 2011, p. 159)

Au cours de ma première semaine à Adélaïde, j'ai découvert trois projets sociaux différents auxquels le Dulwich Centre participait à l'époque, et l'apprentissage de ces projets sociaux a été pour moi aussi important que les idées enseignées lors de la formation. Dans ce chapitre, je décrirai brièvement les projets sociaux qui m'ont été présentés au cours de cette semaine et je discuterai de leurs implications.

Explorations du partenariat entre hommes et femmes - Action sociale en matière de justice entre hommes et femmes

Lors de ma première conversation avec Cheryl White, j'ai mentionné que je travaillais avec une organisation appelée Men Against Sexual Assault et Cheryl a soulevé un certain nombre de questions et de critiques parfaitement exprimées sur la politique et la dénomination de ce travail. Deux ans plus tard, un groupe de jeunes hommes[9] qui cherchaient également des moyens d'action sociale locale en rapport avec la violence masculine se sont rendus à Adélaïde et la communauté de praticiens associée au Dulwich Centre leur a ouvert ses portes pour leur fournir un contexte leur permettant d'examiner plus avant les moyens de remédier au préjudice très réel causé par la violence masculine et par les constructions dominantes de la masculinité (Flood, 1995 ; Kriewaldt, 1995).

Le résultat de ces conversations à Adélaïde, et la formation de Michael White, m'ont amené à réorienter le travail que je faisais en prison et dans les écoles. J'ai été intrigué par la manière dont les conversations de ré-auteurisation (re-authoring) pouvait prendre place collectivement, dans des contextes non thérapeutiques, et en réponse aux problèmes sociaux de genre et de violence (voir Denborough, 1995a).

Grâce à ce processus, j'avais découvert comment les partenariats entre hommes et femmes, dont je faisais désormais partie, pouvaient fournir le contexte nécessaire à la génération de nouvelles idées et pratiques. Pour ma part, j'ai profondément apprécié que Taimalieutu Kiwi Tamasese ait inspiré/mis au défi Cheryl White de travailler avec les hommes dans sa propre culture sur les questions de genre. Bien que la forme, le format et les membres de ces partenariats de genre aient changé au fil des ans, ils restent au coeur des pratiques narratives collectives[10].

Un projet communautaire alternatif de santé mentale

Le mercredi soir de cette première session, une réunion informelle s'est tenue avec les personnes impliquées dans le projet de santé mentale communautaire alternative du Dulwich Centre. Ce projet a impliqué des membres de l'équipe et des membres de la communauté travaillant ensemble pour exposer les tactiques et les effets des "voix et visions" (souvent appelées hallucinations auditives et visuelles de la schizophrénie) vécues par ces derniers. Les savoirs et les compétences des membres de la communauté ont été honorés et exploités ; des communautés de réflexion et de soutien toujours plus grandes ont été créées ; et dans le processus, de nombreux aspects de la culture dominante ont été remis en question. Au cours de cette première réunion, j'ai été incité à réfléchir à la manière dont ces pratiques de "ré-auteurisation" (re-authoring) que j'avais apprises lors de la formation pouvaient transformer les réponses communautaires aux problèmes de santé mentale.

Cinq ans plus tard, la lettre d'information du Dulwich Centre, "Companions on a Journey" (Projet de santé mentale communautaire du Dulwich Centre, 1997) a été publié, avec les premiers "documents narratifs collectifs" du "Power to Our Journeys Group" (Brigitte, Sue, Mem et Veronika, 1997). Développer et affiner les façons dont les documents narratifs collectifs peuvent être utilisés dans une série de contextes reste un élément clé des pratiques narratives collectives (voir Denborough, White, Claver, Freedman & Combs).

Se ré-approprier nos histoires, se ré-approprier nos vies : faire face aux décès des aborigènes en détention

La Commission Royale sur les décès d'aborigènes en détention a remis son rapport le 15 avril 1991. Cette commission historique a été menée par Elliot Johnson QC qui, par pure coïncidence, était propriétaire et travaillait au 345 Carrington Street, à Adélaïde, où se trouvait le Dulwich Centre en 1991. La recommandation 5 de la Commission Royale énonçait :

Que les gouvernements, reconnaissant le traumatisme et la douleur subis par les parents, les proches et les amis des personnes décédées en détention, accordent un soutien compatissant aux demandes de fonds ou de moyens permettant d'offrir des services d'assistance à ces personnes. (Australian Royal Commission into Aboriginal Deaths in Custody, & Johnston, E., 1998)


En réponse, Tim Agius, le directeur du Conseil de la santé aborigène d'Australie du Sud, était déterminé à fournir une sorte d'assistance aux familles aborigènes qui avaient perdu des êtres chers en détention. Plus important encore, il était déterminé à trouver ou à développer une réponse culturellement appropriée au deuil causé par cette injustice. Cet effort l'a conduit à consulter le Dulwich Centre et ces collaborations ont permis de réunir tous les membres des familles aborigènes d'Australie du Sud qui avaient perdu un membre en détention. Ce rassemblement a été influencé par les idées narratives et est documenté dans "Reclaiming our stories, reclaiming our lives" (Conseil de santé aborigène, 1995).

La réunion a eu lieu au Camp Coorong et les participants aborigènes ont identifié un certain nombre d'aspects de l'événement comme particulièrement utiles, notamment :

  • Nommer l'injustice : Les aborigènes ont pu identifier l'"histoire dominante", qui parlait de culpabilité et de faiblesse personnelles, et de les renommer par injustice et oppression. La liberté d'utiliser les mots "meurtre" et "racisme", et de nommer publiquement leurs expériences d'injustice, a été vécue comme profondément libératrice.
  • Équipes écoutantes : pratique consistant à utiliser des "équipes écoutantes" dans lesquelles les membres de l'équipe de thérapeutes constituaient un public pour les histoires des aborigènes, qui renvoyait ensuite le reflet de ce qu'ils avaient entendu. Un certain nombre d'aborigènes ont déclaré que le fait d'entendre leurs propres histoires reflétées de cette manière leur permettait de se voir différemment et de retrouver la fierté d'être qui ils étaient. Cela leur a également permis de découvrir les forces remarquables dont ils avaient fait preuve pour survivre face à tant d'injustice. Comme l'a dit un participant à propos des groupes écoutants : "Cela permet de se ré-approprier les forces de la culture aborigène. La culture aborigène a toujours eu cela, elle l'a réaffirmé, ravivé, et cela se passe tous les jours autour de la table de cuisine des gens, alors tout ce que vous faites maintenant, c'est d'aller beaucoup plus loin et de revenir à notre culture."
  • La métaphore du "voyage" : l'approche narrative fait un usage considérable de la métaphore du "voyage". Le fait de passer d'histoires dominantes sur sa vie à des histoires préférées c'est comme faire un voyage d'une identité à une autre. La fourniture de "cartes" métaphoriques des expériences, des émotions et des pièges qui peuvent survenir au cours de ce voyage par d'autres personnes qui l'ont déjà fait peut jouer un rôle important en permettant aux gens de progresser dans leur vie... Un certain nombre d'aborigènes ont fait des commentaires sur la pertinence de la métaphore du voyage. (Conseil de la santé aborigène, 1995, pp.19-20)


Cet événement au Camp Coorong a représenté le premier "rassemblement communautaire" narratif, une approche qui, comme le décrit Michael White (2003), est à nouveau le résultat de partenariats :

Je tiens à souligner les contributions de Tim Agius et de Barbara Wingard à nos premières expériences quant à la pertinence des pratiques narratives dans le travail avec les communautés. La base de ces premières expériences était la vision inébranlable de Tim d'un rassemblement à l'échelle de la communauté qui fournirait un contexte de guérison pour les familles aborigènes d'Australie du Sud qui avaient perdu un membre suite à un décès en prison. L'esprit et la sagesse que Tim et Barbara ont ensuite apportés à cette initiative et qu'ils ont si volontiers partagés avec les membres de notre équipe nous ont soutenus de tant de façons... (White, 2003, p. 53)

Alors que je n'étais impliqué que de manière très marginale lors de l'événement de Camp Coorong (j'ai pris part aux premières conversations consultatives sur les prisons), ce projet a profondément influencé mon propre travail de quatre manières.

Tout d'abord, ce projet a fourni le canevas pour d'autres rencontres narratives auxquelles j'ai participé. Ces rassemblements ont impliqué les communautés aborigènes de Narrandera et Bowraville, en Nouvelle-Galles du Sud (Denborough, 2002a) ; les personnes séropositives et les travailleurs dans le domaine VIH (Living Positive Lives, 2000) ; et des rassemblements en rapport avec la santé mentale (South Australian Council of Social Services (SACOSS) & Dulwich Centre, 1995 ; ACT Mental Health Consumers Network & Dulwich Centre, 2003).

Deuxièmement, c'est au cours de ces rencontres qu'une forme d'écriture de chansons communautaires narratives a émergé (Denborough, 2002b, 2008) et nous avons découvert comment les chansons peuvent favoriser de puissantes réponses de témoins extérieurs (White, 2000). Bien que je reste dévoué à l'écrit, en particulier à sa rigueur, à sa capacité d'enregistrer tout ce qui est dit, aux façons dont les ébauches peuvent être partagées et modifiées collectivement, et à ses caractéristiques intimistes (la manière dont ça parle à chaque personne qui le lit), les chansons peuvent être chantées ensemble d'une manière que l'écrit ne peut pas. Dans certains contextes, l'écrit n'est pas accessible à tous, alors que les chansons et la musique peuvent inclure la plupart des personnes de n'importe quelle communauté. Et, ce qui est peut-être le plus important, avec une bonne mélodie, les chansons peuvent rester dans l'esprit de chacun, disponibles pour être rappelées instantanément d'une manière que l'écrit ne peut pas faire[11].

Troisièmement, le projet "Reclaiming our stories, reclaiming our lives" a marqué le début de partenariats entre le Dulwich Centre, Tim Agius et Barbara Wingard, qui se poursuivent encore aujourd'hui et qui continuent à influencer le travail au sein des communautés aborigènes.

Quatrièmement, après avoir terminé "Reclaiming our stories, reclaiming our lives", le Dulwich Centre a décidé de se concentrer davantage sur le rôle des prisons dans la perpétuation de l'injustice, d'étudier les moyens de regarder "au-delà de la prison" et de "recueillir des rêves de liberté" en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et au Canada. J'avais 25 ans à l'époque et cette recherche s'est avérée être déterminante pour ma vie (Denborough, 1995b) :

À première vue, la culture actuelle de l'emprisonnement semble se renforcer. De plus en plus d'hommes et de femmes sont enfermés, pour des peines de plus en plus longues, dans des prisons de plus en plus grandes. Et pourtant, comme le décrit ce livre, il existe de riches traditions alternatives sur lesquelles s'appuyer, tant dans ce pays qu'ailleurs.

Mon esprit vibre au rythme des chants qui résonnent au plus profond des murs de la prison, des actes quotidiens de résistance, de ceux qui se soucient des autres, de ceux qui osent parler, de ceux qui survivent à un autre jour marqué sur le calendrier. De concert avec ces personnes, il y a les indigènes australiens, qui s'expriment avec force dans leur résistance aux décès en détention et à l'emprisonnement comme outil de colonisation. D'ici aux cercles du Yukon, à la justice marae, à la création de nouvelles salles d'audience et de nouveaux moyens de travail, il existe des bases solides sur lesquelles construire. Les communautés les plus touchées par l'emprisonnement semblent ouvrir de nouvelles voies, créant ainsi la possibilité d'éliminer les notions de punition de nos êtres, de nos institutions dégradantes et de nos villes.

Ce pays a été envahi pour devenir une prison, non seulement pour les peuples indigènes, mais aussi pour les pauvres de Grande-Bretagne. Aujourd'hui, plus de deux cents ans après que ce pays ait été envahi pour devenir une prison, des fissures commencent à apparaître dans la culture de l'emprisonnement, des fissures causées par des générations de protestation. (Denborough, 1996, p. 221)

Lorsque le livre Au delà de la Prison, recueillir les rêves de liberté[12] (Beyond the prison : gathering dreams of freedom) a été terminé, j'ai déménagé à Adélaïde et j'ai commencé à travailler "en coulisses" au sein d'une "communauté d'idées" florissante (White & Denborough, 2005).

"Une communauté d'idées"

Depuis le XVIIe siècle, les magazines sont un moyen particulièrement moderne de faire naître un espace public. Comme une réunion municipale, les magazine permettent aux gens d'être en compagnie les uns des autres en partageant des discussions sur des sujets qui les concernent. Et c'est en discutant avec les autres que la plupart d'entre nous commencent à donner un sens au monde et à découvrir qui nous sommes et ce que nous pensons. (Denneny 1984, p. 13)

Influencée par ses études d'anthropologie et sa participation au mouvement de libération des femmes, Cheryl White a fondé le Dulwich Centre Publications avec une éthique particulière. Elle s'est inspirée du féminisme et du travail d'éditeurs communautaires alternatifs tels que Michael Denneny, le rédacteur en chef du magazine gay masculin, Christopher Street, qui décrit ici un objectif éditorial particulier : "Christopher Street n'a jamais essayé de développer une politique de clan ; nous avons toujours pensé que notre tâche était d'ouvrir un espace, un forum, où la culture gay en développement pourrait se manifester et se vivre". (1984, p. 13)

Si le contexte des publications du Dulwich Centre était très différent de celui du New York gay, l'objectif éditorial était similaire. Dans ce cas, comment ouvrir un espace et des forums où une "culture" de la pratique non pathologisante pourrait se développer et se manifester ?

Il convient de mentionner que les publications du Dulwich Centre ont en fait débuté par une série de forums gratuits, intitulés "Friday Afternoons at Dulwich"[13] :

Il y a vingt ans, ici à Adélaïde, certains thérapeutes ont commencé à partager leur travail dans des forums libres qui comprenaient de courtes présentations sur des idées particulières, puis des débats et des discussions approfondies... ces forums... étaient ouverts à toute personne intéressée par le sujet particulier abordé. Il y avait tellement d'énergie et d'intérêt dans les présentations qu'il semblait bon de les écrire et une petite fiche d'information a été élaborée à cet effet. Des liens ont été créés entre divers praticiens locaux et ces premières fiches d'information étaient simplement un moyen de poursuivre les conversations. Au fil du temps, des personnes d'autres régions ont demandé des copies de ces fiches d'information, qui sont devenues peu à peu un journal. L'intérêt pour les idées a continué à se développer et, en 1989, le Dulwich Centre Publications a publié son premier livre, Literate Means to Therapeutic Ends, de David Epston et Michael White. (White & Denborough, 2005, p. 4)

Au début, il y avait très peu d'endroits où l'on pouvait publier des "articles de thérapie narrative". Un certain nombre d'articles de Michael White, aujourd'hui considérés comme des documents marquants et mentionnés par les praticiens du monde entier, avaient été rejetés par d'autres éditeurs n'avaient vu le jour que grâce au Dulwich Centre Publications. Tout au long de son histoire, , le Dulwich Centre Publications a constamment repoussé les limites de ce qui est considéré comme "convenable" pour les thérapeutes. Par exemple, en 1995, la publication de "Reclaiming our stories, reclaiming our lives", en relation avec la réponse aux familles aborigènes ayant perdu un membre de leur famille suite à un décès en détention, a entraîné la perte d'un tiers des abonnés au bulletin d'information du Dulwich Centre[14]. Seize ans plus tard, une récente conférence sur la santé des aborigènes l'a présentée comme une publication de référence[15]. La création d'une maison d'édition féministe et informée, dédiée à la création et au maintien d'une "communauté d'idées", a nécessité le développement de processus de publication alternatifs, des efforts soutenus pour assurer la parité des genres parmi les auteurs, et un investissement continu pour garantir que les voix de ceux qui sont rarement entendus puissent alimenter les discussions dans le domaine émergent de la "thérapie narrative et du travail communautaire".

Mon travail, en tant que rédacteur de l'équipe, consistait à rechercher et à documenter les histoires de travail prometteuses qui pourraient intéresser les lecteurs. On aspirait à ce que chaque publication ne se contente pas de confirmer ce qui était déjà connu, mais amène plutôt les praticiens à s'engager dans de nouvelles possibilités pour la métaphore narrative en thérapie et dans le travail communautaire.

Raconté à la "troisième voix"

Parfois, le travail d'un éditeur consiste à soutenir les projets d'écriture d'autres auteurs. D'autres fois, il s'agit de mener des entretiens et de les publier. Mais souvent, aux publications du Dulwich Centre, nous interviewons des praticiens et/ou des membres de la communauté, puis nous rédigeons ces entretiens qui sont ensuite publiées avec la voix de la personne interviewée.

Chaque histoire est écrite avec la voix de ceux qui l'ont racontée (qu'il s'agisse d'une personne ou d'un groupe), mais l'histoire transmet toutes les informations qui ont été développées au cours de notre conversation/entretien. Je pose des questions pour en savoir plus sur les idées, les compétences et les savoirs de la personne interviewée et pour en faire une description riche. Les histoires sont écrites de manière à inclure toutes les informations qui sont générées par la conversation. D'après notre expérience, cela crée un récit beaucoup plus riche que ce qui est possible si la personne rédige son propre travail ou si celui-ci reste sous forme d'interview, en particulier lorsque la langue maternelle de la personne interviewée n'est pas l'anglais.

Cette méthode de travail et de documentation peut être comparée à la localisation de la "troisième voix" que Barbara Myerhoff, l'anthropologue américaine, explorait dans les dernières années de sa vie. Comme l'explique Marc Kaminsky (1992) : "Elle (Barbara Myerhoff) souhaitait trouver un moyen d'assembler les récits afin que tout ce qu'elle savait sur eux soit "invisiblement" intégré dans les récits, grâce au montage : les récits seraient présentés sans ... [aucun] texte de cadrage...". (p. 13). Bien entendu, ces pratiques exigent des processus de responsabilité et de partenariat pour garantir que la personne interviewée ait le contrôle sur la façon dont elle et ses "savoirs" sont représentées.

Points de repère utiles

Un certain nombre de projets de publication de "troisième voix" ont eu une grande influence sur le développement des pratiques narratives collectives.

Conversations externalisantes collectives / Théâtre narratif

Au milieu des années 1990, Yvonne Sliep et les thérapeutes de CARE du Malawi (Sliep & CARE Counsellors, 1996) ont fait face à l'épidémie de VIH/SIDA dans les zones rurales du Malawi. Les professionnels de santé de la région ont appliqué le concept narratif d'"externalisation des problèmes" (voir Roth & Epston, 1996) de manière théâtrale. Les membres de la communauté ont été invités à interviewer les professionnels de santé qui jouaient les rôles de "M. SIDA" et de "Mme CARE" (représentant Community Action Renders Enablement). Ces "conversations collectives d'externalisation" ont ensuite ouvert la voie à des conversations dans les villages entre des hommes plus âgés, des femmes plus âgées, des hommes plus jeunes et des femmes plus jeunes, qui ont essayé de trouver des moyens de tirer parti des compétences, des savoirs et des traditions de la communauté. Yvonne Sliep a continué à développer des formes de théâtre narratif (Sliep, Weingarten & Gilbert 2004 ; Sliep, 2005), tandis que Barbara Wingard, une professionnelle de santé aborigène, a développé ses propres formes de conversations collectives d'externalisation en réponse au diabète ("sucre") et au deuil (Wingard, 1996a, 1996b) et à la violence latérale[16] (2010). D'autres ont adopté cette approche dans des contextes scolaires (McMenamin, 1999).

Au-delà du fatalisme néo-libéral : rencontre avec Paulo Freire

Les travaux de Paulo Freire (1973, 1994, 1999 ; Freire & Macebo, 1987), ont inspiré des approches de l'éducation populaire et du travail communautaire dans tout le Brésil et dans le monde entier. En 1997, alors que nous étions au Brésil pour documenter le travail de l'Association of Street People (Varanda, 1999), Cheryl White et moi-même avons réalisé ce qui devait être la dernière interview de Paulo Freire (Freire, 1999), dans laquelle il dénonçait la façon dont les privilégiés du monde cherchent systématiquement des solutions aux mauvais endroits, puis, lorsqu'ils ne peuvent pas trouver les solutions sur place, ils ressentent du désespoir et deviennent convaincus qu'un changement plus profond n'est pas possible et ne vaut donc pas la peine de chercher à y accéder ou d'agir dans ce sens. Il a qualifié ce phénomène de "fatalisme néo-libéral" (Freire, 1999) et a estimé qu'il s'agissait peut-être du plus grand obstacle auquel nous sommes confrontés.

Ces mots, sur le néo-libéralisme et la politique du désespoir, étaient très importants et stimulants pour moi. J'ai connu le désespoir à différents moments de ma vie : le désespoir de savoir si un changement social plus profond est vraiment possible, le désespoir de la façon dont les gens traitent les gens. Paulo Freire a également vécu une vie dans laquelle il a connu le désespoir. Sa pédagogie de l'espoir (1994) n'est pas née d'un simple optimisme. Il s'agit d'un espoir qui connaît le désespoir et qui est rendu plus fort par ce savoir.

L'interview de Freire et son engagement pour façonner nos vies et notre travail de manière à contribuer en priorité à un changement social plus large, ont contribué de manière importante au développement des pratiques narratives collectives (voir Denborough, 2008, p. xi). En fait, les pratiques narratives collectives sont façonnées par la question : comment pouvons-nous répondre aux histoires de souffrance sociale de manière à non seulement atténuer le chagrin de la personne, mais aussi de permettre et soutenir l'action sociale locale pour lutter contre les injustices, la violence et les abus généralisés dans nos différents contextes ?

Les réponses communautaires à la violence et au harcèlement

La recherche de moyens créatifs et efficaces pour prévenir et répondre à la violence est un engagement de longue date du Dulwich Centre Publications (Durrant & White, C., 1990 ; Jenkins, 1990). Entre 1998 et 2002, nous avons publié un certain nombre de projets visant à mieux articuler la manière dont les pratiques narratives peuvent influencer les réponses collectives à la violence, notamment en documentant le travail de Silent Too Long, un groupe de femmes ayant survécu à des violences sexuelles dans leur enfance (Silent Too Long, 1998, 2000, 2001) ; WOWSAFE, un groupe de femmes ayant survécu à la violence domestique (WOWSAFE, 2002) ; l'équipe de lutte contre le harcèlement d'un collège de Selwyn en Nouvelle-Zélande (Selwyn College, Lewis, A., & Cheshire, A., 1998) ; et le travail au sein des communautés latinos de Californie qui tentent de prévenir la violence domestique et de créer des relations respectueuses en tenant compte des spécificités culturelles (Colorado, Montgomery & Tovar, 2003). Des textes plus récents ont également examiné les réponses multiculturelles à la violence sexiste (Yuen & White, 2007).

Permettre aux gens de devenir les gardiens de leur propre santé - America Bracho

Inspiré par le travail de Paulo Freire, le travail d'America Bracho avec le Latino Health Access dans le comté d'Orange, en Californie, a reconfiguré un service de santé physique (fournissant des services en relation avec le diabète, les maladies cardiaques, le VIH/SIDA) pour devenir un "institut de participation" (Bracho & Latin Health Access, 2000, p. 4) :

Il est de notre responsabilité de fournir des mécanismes appropriés qui permettent aux gens de démontrer, d'exercer leur bienveillance. Il est de notre responsabilité d'observer et de s'enquérir des atouts, des talents et des compétences de la communauté et de fournir des contextes permettant aux personnes avec lesquelles nous travaillons de prendre des mesures pour contribuer à la réalisation de leurs espoirs, de leurs buts et de leurs rêves. (Bracho & Latino Health Access, 2000, p. 7)

S'il est possible de transformer un "service" de santé physique de cette manière, pourrait-on également reconfigurer de la même manière les réponses à la santé mentale et/ou les réponses aux traumatismes ? Dix ans plus tard, influencée par les travaux du Latino Health Access, la fondation Dulwich Centre explore cette question à travers l'utilisation de pratiques narratives collectives.

Raconter nos histoires de manière à nous rendre plus forts

Le processus de publication le plus important de la "troisième voix" a sans doute été le partenariat d'écriture avec Tante Barbara Wingard et Jane Lester, qui a abouti à la publication de "Raconter nos histoires de manière à nous rendre plus forts" (Wingard & Lester, 2001). Ce magnifique livre contient les histoires de Tante Barbara et Jane sur leur travail, leur vie, l'histoire de l'Australie et leurs propres formes de pratique narrative. Mon implication dans le partenariat d'écriture a été très important pour moi, à tel point qu'elle a modifié la façon dont je comprends mes propres histoires familiales. Lorsque Jane Lester (2001) a prononcé une allocution "Coming home : voices of the day", lors de la 3e conférence internationale sur la thérapie narrative et le travail communautaire, j'étais à ses côtés :

Il y a trois ans, j'ai parlé pour la première fois avec Jane et j'ai appris de ses recherches méticuleuses et comment elle a été capable de lier les histoires de sa famille à l'histoire de ce pays. J'ai été très impressionné par la douleur et l'extraordinaire revendication dont elle a parlé. Alors que je réfléchissais au peu que je savais de l'histoire de ma propre famille, et à la façon dont elle pouvait être liée aux événements du passé de cette nation, j'ai prononcé silencieusement un voeu pour moi. J'ai juré que je retracerais l'histoire de ma famille dans l'espoir que, lors de futures conversations avec Jane et d'autres personnes, les histoires que j'ai découvertes pourraient d'une certaine manière être liées et partagées. C'est la générosité d'esprit de Jane qui m'a lancé dans un voyage à travers l'histoire de ma famille qui m'a amené à prendre la parole ici ce matin.

Tout comme Jane nous a offert des histoires de famille ce matin, j'aimerais faire de même. Mais bien sûr, les histoires de ma famille sont très différentes. Mon père n'a pas été retiré de force de sa famille, pas plus que ses frères et soeurs ou ses cousins. En fait, à bien des égards, les histoires dont je souhaite parler ne pourraient pas être davantage différentes. Je souhaite parler de ma relation avec la vie de mon arrière-arrière-grand-père du côté de ma mère. Il s'appelait Samuel Griffith. Il a contribué à la rédaction de la Constitution australienne et est devenu le premier président de la Cour suprême de ce pays. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs de la Fédération, dont le centenaire est célébré en Australie cette année. D'une certaine manière, ma recherche pour comprendre la vie de Samuel Griffith ne pourrait pas être davantage différente de celle dont Jane a parlé juste avant. Mais il y a des similitudes. Je ne serais pas en vie sans Samuel Griffith, et ma recherche pour comprendre sa vie change la façon dont je comprends la mienne. J'ai appris, en grande partie grâce à mes conversations avec les indigènes australiens, qu'il est important d'honorer l'héritage ou de respecter ceux qui ont vécu des vies qui nous ont été entièrement dédiées, leurs enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants. Mais honorer les ancêtres est un processus complexe lorsque l'histoire de votre famille est mêlée à la spoliation des autres. Une partie de mes ancêtres australiens a littéralement spolié les Aborigènes de leurs terres dans le nord du Queensland. Une autre partie partie de mes ancêtres a contribué à l'élaboration d'une constitution qui, d'une certaine manière, a légalisé cette spoliation. Pour citer Andrea Rieniets (1995) : "Que faites-vous lorsque vous découvrez que votre arbre généalogique a été replanté dans le jardin de quelqu'un d'autre ?" C'est la question à laquelle je suis actuellement confrontée, ainsi que de nombreux autres Australiens non indigènes.

D'une certaine manière, il me semble que le processus de reconstitution de l'histoire implique de parler à travers le temps et à travers les générations. C'est pourquoi, en me préparant pour ce matin, j'ai décidé qu'il serait peut-être plus approprié d'essayer d'écrire une lettre à Samuel Griffith. J'aimerais partager cette lettre avec vous si cela vous convient. (Denborough, 2001, p. -8)

Bien que je n'inclue pas cette lettre ici, je tiens à rappeler que les partenariats d'écriture associés au livre "Raconter nos histoires de manière à nous rendre plus forts" ont créé bien plus qu'un simple texte, ils ont également contribué à de nouvelles façons pour nous tous de comprendre nos vies, nos relations et nos familles dans ce pays.

Thérapie familiale : explorer le passé, le présent et les futurs possibles du domaine

En parlant de familles, la "famille d'origine" de la thérapie narrative a été le domaine de la thérapie familiale. En 2001, afin d'honorer cette histoire, le Dulwich Centre Publications a lancé un projet d'interview d'un large éventail de thérapeutes familiaux de premier plan. L'idée était de rassembler dans un seul texte les points de vue de nombreux et différents praticiens sur l'histoire de la thérapie familiale, le travail que les gens effectuent actuellement et leurs espoirs pour l'avenir de la thérapie familiale.

Comme je n'avais pas fait partie du domaine de la thérapie familiale, et que je ne l'avais connu que par mon engagement dans les pratiques narratives, il m'a fallu entreprendre des recherches considérables avant d'interviewer, entre autres : Insoo Kim Berg, Salvador Minuchin, Monica McGoldrick, Gianfranco Cecchin, Kerrie James, Kenneth V. Hardy, Olga Silverstein, Tom Andersen, Peggy Papp, Karl Tomm, Michael White, Peggy Penn, Lynn Hoffman, David Epston, Warihi Campbell, Taimalieutu KiwiTamasese et Charles Waldegrave.

Le fait d'avoir été présenté à ces personnes, à ces histoires et à leur histoire, a changé ma compréhension des pratiques narratives. Je pouvais désormais situer certaines idées des pratiques narratives dans les "traditions" plus larges de la thérapie familiale. Par exemple, les principes suivants (voir White, 2001b), qui éclairent tous la pratique narrative, peuvent être liés à des développements antérieurs dans le domaine de la thérapie familiale :

  • Considérer l'identité comme quelque chose qui se construit en relation avec les autres plutôt que comme quelque chose qui découle de la "nature humaine" ;
  • Comprendre les problèmes des gens dans le contexte plus large de leur vie plutôt que de situer les problèmes au sein des individus ;
  • S'engager à rencontrer les familles et autres réseaux/communautés de personnes pour traiter les problèmes de leur vie (plutôt que de considérer la thérapie individuelle comme la seule forme d'interaction légitime entre le thérapeute et le client) ;
  • Mettre l'accent sur la manière dont la renégociation de l'identité des personnes se fait dans le contexte de leurs interactions avec les autres ;
  • Conceptualiser la thérapie comme un processus de questionnement ; Proposer une éthique de la transparence en ce sens que le travail des thérapeutes devrait être rendu visible par le biais d'entretiens en direct et de vidéos.

Rendre les idées narratives accessibles à un plus large public

Il convient également de mentionner ici un autre projet de publication. Le Dulwich Centre Publications s'est efforcé de rendre les idées de thérapie narrative accessibles à un public aussi large que possible, ce qui a impliqué la publication du texte d'introduction Qu'est-ce que la Thérapie Narrative ? Une introduction facile à lire (Morgan, 2000) et son compagnon La Thérapie Narrative : réponses à vos questions (Russell & Carey, 2004). Ces deux livres sont le fruit d'importantes collaborations. L'espoir de rendre les idées narratives accessibles à un large public a également influencé Michael White qui a écrit le livre Maps of Narrative Practice (2007) / Cartes des pratiques narratives. Je mentionne ici ce projet de publication plus ambitieux, car il a permis d'informer sur la manière dont les publications sur les pratiques narratives collectives ont été rédigées, dans l'espoir qu'elles seraient accessibles à un large public.

Les conférences en tant que rassemblements communautaires : honorer les histoires, les codes culturels et les partenariats

Faire partie de l'équipe organisatrice des conférences du Dulwich Centre depuis 1999 a apporté ses propres défis et enseignements qui ont été importants dans le développement des pratiques narratives collectives. Le Dulwich Centre Publications conçoit ses conférences comme des "événements communautaires", ce qui implique de prendre en compte les histoires, les codes culturels et les partenariats (White & Denborough, 2005).

Le travail de Taimalieutu Kiwi Tamasese, Flora Tuhaka, Warihi Campbell et Charles Waldegrave de l'équipes de la Therapie Juste de Nouvelle-Zélande (Waldegrave, 1990 ; Waldegrave,Tamasese, Tuhaka & Campbell, 2003) et les partenariats avec les collègues aborigènes australiens, Barbara Wingard et Tim Agius, ont transformé notre compréhension de ce que signifie honorer les histoires de la terre sur laquelle une conférence doit avoir lieu, comment accueillir les participants à un tel événement et comment répondre aux complexités culturelles et aux injustices historiques et actuelles par le biais d'un partenariat.

En ce qui concerne l'organisation conjointe des conférences, ces partenariats ont impliqué de voyager avec des collègues afro-américains, Makungu Akinyela et Vanessa Jackson, pour visiter ensemble les forts / comptoirs d'esclaves de Cape Coast du Ghana (Amemasor, 2002) avant d'organiser un événement à Atlanta, en Géorgie. Pour ouvrir cette même conférence, Patrick Moss et Julie Moss ont parcouru des centaines et des centaines de kilomètres dans un van rempli de jeunes hommes du Keetowah Band of the Cherokee. Ils ont fait appel à des guérisseurs traditionnels indigènes de différentes régions de l'État d'Oaxaca au Mexique, pour accueillir les participants et offrir des consultations lors de la 6e conférence internationale sur la thérapie narrative et le travail communautaire[17].

Ces expériences, partenariats et relations ont, d'une certaine manière, posé les bases des initiatives interculturelles des pratiques narratives collectives que je décrirai dans le prochain chapitre.

L'émergence des pratiques narratives collectives

Après avoir présenté une série de projets dans lesquels les idées et les principes de la thérapie narrative ont été mis en oeuvre en dehors du contexte de la relation d'aide personnelle dès le début des années 1990, je souhaite maintenant décrire comment, au cours des huit dernières années, un certain nombre de facteurs ont vu l'évolution d'un domaine émergent connu sous le nom de "pratiques narratives collectives", qui s'efforce de s'appuyer sur les histoires décrites ci-dessus et de les utiliser pour répondre à des situations de difficultés et de traumatismes dans des contextes où la relation d'aide ou la thérapie ne sont pas culturellement adaptés ou ne sont pas possibles.

Je vais brièvement exposer ici un certain nombre de facteurs qui se sont conjugués pour donner naissance à ce domaine.

Un nouveau regard sur les façons de répondre aux difficultés et aux traumatismes

À partir de 2003, le Dulwich Centre a commencé à accorder plus d'attention aux réponses narratives aux traumatismes, ce qui a coïncidé avec l'invitation qui lui a été faite de rendre visite et de travailler avec les thérapeutes palestiniens travaillant au Centre de traitement et de réhabilitation des victimes de la torture et des traumatismes (TRC) basé à Ramallah, en Palestine. La présentation que Michael White a faite au TRC en octobre 2003 a été enregistrée. En concertation avec les personnes présentes, il a été décidé qu'il serait utile que cette présentation soit retranscrite, revue puis traduite en arabe pour être mise à la disposition des travailleurs arabophones en Palestine et ailleurs. Ce document, "Travailler avec les personnes qui souffrent des conséquences de traumatismes multiples : un point de vue narratif" (White, 2004) a mis l'accent sur la priorité accordée au développement et à la restauration d'une "conscience de soi" dans le travail avec les personnes ayant subi un traumatisme. Il a décrit comment cela pouvait être réalisé par l'utilisation de dispositifs de cérémonies définitionnelles, de pratiques de témoins extérieurs et de conversations de ré-auteurisation (re-authoring). Et le dernier chapitre du document traite du travail des théoriciens de la mémoire et de sa pertinence pour le travail avec les personnes ayant subi un traumatisme. Cette approche s'est avérée déterminante et Michael White a prononcé une allocution sur un thème connexe lors de la 4e conférence internationale sur la thérapie narrative et le travail communautaire[18]. Il a également donné un certain nombre de séminaires de cinq jours sur les réponses narratives aux traumatismes, et a fait des présentations internationales sur ce sujet.

Au même moment, nous avons recherché et documenté des exemples de l'utilisation des pratiques narratives en réponse aux traumatismes au Bangladesh, en Israël, en Afrique du Sud, aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Sri Lanka (voir Responding to Trauma (2005) et Responding to Trauma Part 2 (2005)). J'étais également en train de créer un dispositif pour recevoir et documenter les témoignages de traumatismes (Denborough, 2005a) et de lancer un projet pour répondre à la violence sexuelle dans les prisons (Denborough, 2005b). Ces nouveaux développements ont ensuite été compilés dans un livre intitulé Trauma : narrative responses to traumatic experience (Denborough, 2006). Les idées contenues dans ce livre ont fourni les bases conceptuelles d'une série de projets collectifs répondant à l'expérience traumatique au sein de communautés en Australie, en Bosnie, au Rwanda, en Palestine, en Ouganda et ailleurs.

Des invitations (demandes insistantes !) pour enseigner et collaborer à travers les cultures

Le deuxième développement qui a eu lieu était curieux. Soudain, alors que Cheryl White et moi visitions différents contextes afin de rechercher et de documenter des initiatives locales, on nous a demandé d'enseigner l'utilisation des pratiques narratives. Nous refusions régulièrement ces invitations et expliquions que nous étions en fait intéressés par ce que les praticiens locaux faisaient en réponse au contexte local et aux dilemmes locaux. Une partie de notre refus était due à notre détermination à éviter d'imposer des approches narratives qui avaient été développées en Australie/Nouvelle-Zélande dans des contextes culturels très différents. Et pourtant, soudainement, les invitations à enseigner sont devenues plus insistantes. Je me souviens très bien de mes collègues au Bangladesh, en Inde et en Palestine qui ont quasiment affirmé que nous leur cachions des savoirs et des expériences et qu'ils attendaient de nous que nous leur enseignions. Un après-midi à Naplouse, en Palestine, a marqué un tournant particulier : nous sommes arrivés avec du papier et des crayons pour documenter les initiatives locales, nous avons découvert une salle aménagée avec vingt chaises et on nous a dit que la formation que nous devions donner allait commencer dans 20 minutes ! Une situation similaire s'est produite dans un centre de désintoxication en Inde, où rien n'était prévu pour l'enseignement :

  • Développer des formes d'enseignement qui utilisent des exemples de pratiques en résonance avec les contextes locaux, ce qui signifie souvent des exemples qui n'impliquent pas de relations d'aide personnelles.
  • Développer des pédagogies qui démontrent l'utilisation de pratiques narratives, en utilisant les expériences des praticiens locaux, mais sans mettre les personnes en danger ; par exemple, sans mener d'entretiens individuels ou des jeux de rôle. À cet égard, un développement clé en relation avec la documentation narrative collective s'est produit lors de l'enseignement à Naplouse, en Palestine. À la recherche de moyens permettant de garantir que l'enseignement était pertinent pour les praticiens locaux qui vivaient et travaillaient eux-mêmes sous occupation militaire, j'ai élaboré un document narratif collectif à partir de leurs mots et de leurs histoires : "Vivre sous l'occupation : les compétences et savoirs spécifiques qui soutiennent les travailleurs sociaux de Naplouse" (Denborough, 2008, p. 32). Cette documentation a ensuite été lue et complétée. Le processus s'est avéré être une expérience d'apprentissage importante pour toutes les personnes impliquées et est devenu par la suite un aspect routinier de la formation aux pratiques narratives collectives.

À peu près à la même époque, deux autres développements clés ont eu lieu, avec des invitations à élaborer des méthodes narratives qui pourraient être utilisées au-delà de la séance de thérapie pour répondre à de profondes difficultés et souffrances sociales.

L'Arbre de Vie et l'Équipe de Vie, des méthodes narratives collectives

Ncazelo Ncube est une praticien zimbabwéenne qui, en 2005, travaillait au sein de la Regional Psychosocial Support Initiative (REPSSI), une organisation basée en Afrique du Sud qui développe les compétences à accompagner les enfants vulnérables dans toute l'Afrique australe et orientale. Grâce à l'intérêt de Ncazelo Ncube pour les idées narratives, la REPSSI et le Dulwich Centre ont noué un partenariat et des équipes du Dulwich Centre se sont rendues au Zimbabwe en 2005 et en Ouganda en 2006. Ces visites avaient un double objectif. Le premier objectif était que l'équipe du Dulwich Centre[19], principalement Michael White, dispense une formation en thérapie narrative à une grande variété de praticiens africains. Le second objectif de la visite au Zimbabwe était une demande de Ncazelo Ncube pour que je développe une forme de pratique narrative qui pourrait être utilisée avec des enfants vulnérables dans des contextes collectifs. Le résultat de notre collaboration a été l'Arbre de Vie (Ncube, 2006 ; Denborough, 2008), la première méthode narrative collective basée sur une métaphore tirée du folklore local. Le deuxième objectif de la visite en Ouganda était de développer une méthode de travail avec d'anciens enfants soldats. C'est dans ce contexte que j'ai mis au point la méthode de l'"Équipe de Vie" (Denborough, 2008).

Relier les histoires entre les communautés aborigènes

À peu près au même moment, le Dulwich Centre a été invité par Barry Sullivan et Relationships Australia NT, à participer à un projet de prévention du suicide avec un certain nombre de communautés aborigènes du Territoire du Nord. Il est vite devenu évident pour Barbara Wingard, Cheryl White et moi-même (qui dirigions ensemble l'équipe du Dulwich Centre[20]), qu'une nouvelle approche devait être développée pour ce contexte particulier. Cette nouvelle approche a été décrite dans le document "Relier les Histoires et les Initiatives : une approche narrative pour travailler avec les compétences et les savoirs des communautés" :

Au sein de toute communauté confrontée à des moments difficiles, les membres de la communauté réagiront à ces difficultés, ils prendront toutes les mesures possibles, à leur manière, en fonction de leurs compétences et de leurs savoirs particuliers, pour essayer de faire face aux effets du ou des problème(s) sur leur vie et celle de ceux qu'ils aiment et auxquels ils tiennent. Ces initiatives ne sont peut-être pas encore largement reconnues, et elles ne suffisent peut-être pas à elles seules à surmonter tout ce à quoi la communauté est actuellement confrontée. Ces initiatives sont, cependant, très importantes. Le fait de permettre aux membres de la communauté d'identifier ces initiatives, de les décrire en détail afin que les compétences et les savoirs qui y sont implicites deviennent plus visibles pour eux-mêmes et pour les autres, et de reconstituer l'histoire de ces compétences et savoirs afin de comprendre la manière dont ils sont liés à la culture locale, peut renforcer ces initiatives de manière à rendre possible de nouvelles initiatives.

La prochaine étape consiste à trouver des publics qui seront témoins de l'histoire de ces initiatives. Si des histoires d'initiatives communautaires richement décrites sont vues et prises en compte par les membres d'autres communautés confrontées à des difficultés similaires, si des messages peuvent être envoyés dans les deux sens, alors un soutien et un sentiment de solidarité peuvent être générés. Les membres de la communauté qui prennent déjà des initiatives peuvent être puissamment soutenus dans ce processus, tandis que d'autres peuvent être inspirés et se joindre à eux. La documentation, la diffusion et la célébration des compétences et des savoirs de la communauté peuvent, avec le temps, prendre une vie propre.

Ce document décrit une approche du travail communautaire qui nécessite un engagement avec au moins deux communautés à la fois, chaque communauté étant invitée à devenir un témoin extérieur des histoires de l'autre. Cette forme d'engagement communautaire se caractérise par un échange croisé d'histoires et de messages. (Denborough, Koolmatrie, Mununggirritj, Marika, Dhurrkay, & Yunupingu, 2006, p. 20)

Plus récemment, cette nouvelle approche narrative qui implique de travailler avec deux communautés à la fois a influencé la manière dont les survivants du génocide au Rwanda ont été reliés aux descendants juifs des survivants de l'Holocauste.

La Dulwich Centre Foundation et les enjeux des pratiques narratives collectives

Le dernier facteur qui a déclenché un effort concerté pour développer davantage les pratiques narratives collectives est survenu en 2006, lorsque Michael White, Cheryl White et moi-même nous sommes rendus au Rwanda et avons pris contact avec Kaboyi Benoit, qui était alors le secrétaire exécutif de l'Ibuka, l'association nationale des survivants du génocide (Benoit, 2007). Assis au sommet de l'"Hôtel Rwanda" (Hôtel des Mille Collines), nous avons décidé de former l'Institut des pratiques collectives du Dulwich Centre (qui est devenu avec le temps la Dulwich Centre Foundation et la Dulwich Centre Foundation International) afin de répondre aux questions/défis suivants :

  • Dans les contextes où la relation d'aide personnelle n'est pas possible ou n'est pas culturellement appropriée, comment peut-on encore utiliser des approches narratives pour aider les personnes en difficulté ?
  • Lorsque les ressources sont rares, comment pouvons-nous développer des approches narratives qui peuvent être mises en pratique par des personnes dévouées de la communauté, des approches qui peuvent être employées au-delà du monde professionnel ?
  • Comment les approches narratives peuvent-elles être pertinentes dans des contextes de profonde souffrance sociale collective tels que le génocide au Rwanda et l'occupation militaire de la Palestine ?
  • En répondant aux histoires de souffrance sociale, comment notre travail peut-il contribuer au "mouvement social" ?
  • Alors que nous répondons à ces questions, comment pouvons-nous minimiser les possibilités de participer à la colonisation psychologique ? (voir Tamasese, 2002 ; Pupavac 2001, 2002a, 2002b, 2006 ; Arulampalam, Perera, de Mel, White & Denborough, 2005 ; Watters, 2010)

Le décès de Michael White en 2008, alors qu'il était encore jeune, a été une perte tragique pour le domaine, mais l'héritage de son travail se perpétue de différentes manières et dans différents endroits. Par exemple, en utilisant les idées de Michael comme base et les questions ci-dessus comme enjeux et défis, de nouvelles formes de pratiques narratives collectives ont émergé. Il en va de même pour les nouvelles façons de théoriser nos rôles en tant que praticiens :

Notre première tâche ... est de développer des méthodes de travail qui permettent de découvrir (puis de décrire en détail) les compétences et les savoirs de ceux qui ont des traumatismes et des difficultés. Notre deuxième tâche est de "permettre la contribution" ... On considère souvent que les personnes qui traversent de grandes difficultés ont besoin d'une "aide", d'une "guérison", d'une "thérapie" ou d'un "soutien psychosocial", et l'on suppose souvent que cette "aide" doit être fournie par des services professionnels. Mais il faut peut-être quelque chose de tout à fait différent. Peut-être faut-il créer des contextes dans lesquels les personnes et les communautés qui traversent des moments difficiles puissent apporter leur contribution à la vie d'autres personnes qui traversent des difficultés similaires. (Denborough, 2008, p. 1-4)

Grâce à une série de partenariats et de projets, de nouvelles méthodes de pratiques narratives collectives ont également été développées, notamment l'Arbre de Vie, l'Équipe de Vie, des frises chronologiques narratives collectives, des chansons et des rituels en résonance avec les pratiques et métaphores culturelles populaires locales :

Les métaphores sur lesquelles ces méthodes sont basées ont été délibérément choisies ... Si nous devons trouver des méthodes de travail qui ont une résonance bien au-delà de la séance de thérapie professionnelle, il semble probable qu'elles s'appuieront sur les rituels et les joies quotidiennes et ordinaires de la vie en communauté. Nos liens avec la nature, les sports, les histoires, les chansons et les récits sont des points de départ de la culture populaire... (Denborough, 2008, p. 2)

Dans le cadre des L'approche narrative collective : quelles réponses apporter aux individus, aux groupes et aux communautés qui ont vécu un trauma ?, j'ai également profité de l'occasion de théoriser au-delà de l'individualisme/collectivisme et d'attirer l'attention sur l'existence de schémas de discours individuels et collectifs et ce qui devient possible dans notre pratique si nous les remarquons et les suivons (Denborough, 2008).

Récents développements dans les pratiques narratives collectives

Ces dernières années ont vu une floraison de nouveaux développements en relation avec les pratiques narratives collectives tels que la pratique culturelle populaire, la dissolution de conflit/la guérison socio-historique et l'action sociale/le développement économique diversifié. Je ne ferai ici qu'évoquer brièvement ces évolutions.

Les pratiques narratives collectives en tant que pratique culturelle populaire

Les premiers exemples de méthodes narratives collectives de la culture populaire utilisaient des métaphores de la nature (l'Arbre de Vie) et du sport (l'Équipe de vie) pour permettre aux enfants et aux jeunes d'aborder des expériences de souffrance sociale sans avoir à en parler directement. Ces dernières années, ces méthodologies ont été adaptées par des praticiens et mises en oeuvre dans une grande diversité de contextes[21]. D'autres praticiens ont développé leurs propres méthodes de culture populaire, notamment les "Saisons de Vie" (Abu-Rayyan, 2009), "Traverser la Rivière" (Hegarty, Smith & Hammersley, 2010), "Recettes de Vie" (Rudland Wood), "Cerf-volant de Vie" (Denborough, 2010a) et "Rythme de Vie" (Müller).

Les pratiques narratives collectives en tant que dissolution des conflits/guérison socio-historique

Trois projets récents ont exploré l'utilisation des pratiques narratives collectives comme moyen de dissolution des conflits, de guérison sociale et historique ou comme réponse au racisme. Le cerf-volant de la vie : du conflit intergénérationnel à l'alliance intergénérationnelle[22] décrit une réponse aux conflits entre générations au sein de la communauté de réfugiés/migrants tamouls à Toronto au Canada. L'article Résonance, description riche et guérison socio-historique : l'utilisation des pratiques narratives collectives à Srebrenica[23], décrit l'utilisation de la documentation collective et des cérémonies définitionnelles dans le cadre d'un atelier réunissant des participants qui occupaient des positions très différentes dans une histoire sociale marquée par un conflit/une guerre profonde. Tandis que Conseils de sauvetage : compétences et savoirs spéciaux des jeunes musulmans australiens (Dulwich Centre Foundation, 2011), est une réponse récente des pratiques narratives collectives au racisme contre les jeunes musulmans et au conflit entre les jeunes musulmans et les non-musulmans ici en Australie. Ce projet a permis de documenter collectivement les compétences et les savoirs des jeunes musulmans australiens face aux difficultés à la fois par écrit et en vidéo. Ces formes de documentation ont depuis été partagées avec divers groupes d'autres Australiens (jeunes et vieux) qui ont à leur tour répondu par des témoignages extérieurs et leurs propres conseils (voir : www.dulwichcentre.com.au/life- saving-tips.html). De cette manière, les savoirs et les compétences des plus marginalisés ont été largement reconnues, et les préjugés et les représentations ont été désamorcés.

Bien que ces exemples soient modestes, ils constituent un point de départ pour examiner comment les pratiques narratives collectives peuvent être utilisées pour répondre aux conflits collectifs et à la discrimination, qu'ils soient actuels ou passés.

Les pratiques narratives collectives en tant qu'action sociale/développement économique diversifié

Le projet actuel le plus passionnant en matière de pratiques narratives collectives est peut-être celui de Caleb Wakhungu dans l'Ouganda rural[24]. Le travail du Mt Elgon Self-Help Community Project représente une initiative de reconstruction (Sachs, 2010) qui utilise des idées narratives pour déclencher et soutenir l'action sociale et le "développement économique diversifié"[25]. Caleb Wakhungu et son équipe utilisent les histoires de survie actuelles et passées des gens pour lever la tête au-dessus des nuages afin d'aspirer à une action sociale et économique future et de la mener à bien.

Ce travail au Mt Elgon représente également une (ré)invention interculturelle des pratiques narratives. D'autres (ré)inventions transculturelles sont le fruit du travail de praticiens narratifs palestiniens[26] qui eux-mêmes vivent sous occupation, et des psychothérapeutes en traumatologie au Rwanda qui sont eux-mêmes des survivants du génocide de 1994. Dans les années à venir, j'ai le sentiment que nous entendrons beaucoup plus parler des formes de pratiques narratives ougandaises, palestiniennes et rwandaises.

Rétrospective

Ce document a retracé mon parcours à travers l'histoire d'idées, de pratiques et de partenariats qui ont conduit au développement de la thérapie narrative, ainsi que les enjeux et les invitations qui ont contribué au développement des "pratiques narratives collectives". Ce faisant, j'espère qu'il a fourni une base historique à ce domaine émergent.

En explorant ces fondations, j'ai parcouru les racines intellectuelles de la thérapie narrative, les écrits du tournant interprétatif de l'anthropologie et les premiers articles de Michael White et David Epston, en relation avec six aspects clés de la thérapie narrative :

  1. Replacer les problèmes personnels dans le domaine de la culture et de l'histoire - externalisation
  2. La métaphore narrative et les pratiques narratives
  3. Contre-documents et lettres thérapeutiques
  4. L'importance des partenariats
  5. Une anthropologie des problèmes et l'archivage des savoirs alternatifs
  6. Psychologie populaire et identité performative

Et pourtant, les histoires qui nourrissent les pratiques narratives collectives ne sont pas seulement intellectuelles, aussi ai-je inclus des histoires de projets et de partenariats sociaux qui se sont révélés déterminants tout au long du chemin.

Au début de cet article, j'ai décrit comment, à 23 ans, j'ai eu du mal à trouver comment réagir à ce qui était, pour moi, deux découvertes relativement récentes :

  • Mon arbre généalogique européen avait été "replanté dans le jardin de quelqu'un d'autre" (Rieniets, 1995), à savoir le jardin appartenant aux Aborigènes d'Australie.
  • Le mal que les personnes de mon sexe/genre (les hommes) avaient fait et continuaient de faire aux femmes, aux enfants et aux autres hommes.


Dix-huit ans plus tard, si je devais tenter de décrire la façon dont je réponds aujourd'hui à ces questions, ce serait le mot "partenariat". En tant qu'Australien blanc issu de la classe moyenne, la seule façon dont je peux espérer contribuer à réparer les effets de l'injustice sexuelle, de l'injustice raciale ou des effets de la guerre et de la souffrance sociale, c'est par la formation de partenariats importants et durables avec les personnes les plus touchées par ces injustices. Comme les pratiques narratives collectives se sont développées grâce aux partenariats, leur avenir en dépendra.[27] Avec le recul, le développement des pratiques narratives collectives a été un véritable voyage. Si je devais en proposer le point de départ, ce serait une conversation en novembre 2006 avec Cheryl White et Michael White à l'Hôtel des Mille Collines surplombant le Rwanda, le pays des mille collines. Les défis auxquels nous cherchions à répondre lors de cette conversation au Rwanda restent tout aussi importants aujourd'hui. En rédigeant cet article, j'en suis toutefois venu à mieux apprécier les distances et les territoires que nous avons parcourus depuis lors, les enseignements qui en ont été tirés et les explorations futures possibles. J'ai également acquis une bien meilleure compréhension des histoires sur lesquelles nous nous appuyons et de tous ceux qui nous accompagnent le long du chemin.

Remerciements

La thérapie narrative telle que nous la connaissons aujourd'hui n'existerait pas sans le travail de Michael White, David Epston, Karl Tomm, Jill Freedman et Cheryl White.

De même, le développement des pratiques narratives collectives décrites ici n'aurait pas été possible sans la contribution de nombreuses personnes, notamment Cheryl White, Michael White, David Epston, Barbara Wingard, Taimalieutu Kiwi Tamasese, Charles Waldegrave, Ncazelo Ncube, Caleb Wakhungu, David Newman, Sekneh Hammoud-Beckett, Ruth Pluznick, Thilaka Xavier, Jill Freedman, Gene Combs, Angel Yuen, Shona Russell, John Stillman, Tileah Drahm-Butler, Lynn Tron, Alfonso Diaz, Therese Hegarty, Chris Wever, Angela Tsun on-Kee, Daria Kutuzova, Milan Colic, Eileen Hurley et Kaboyi Benoit.

Amaryll Perlesz, David Epston, Cheryl White, Mary Heath, Susanna Chamberlain et David Newman ont livré des commentaires précieux sur une version antérieure de ce document.

Notes

  1. Pour lire d'autres histoires sur la thérapie narrative, je vous renvoie à : Beels (2001, 2009), Chamberlain (2004, 2011) Denborough (2009), Epston (2011), Madigan (2011),White, C. (2009).
  2. Tiré d'une chanson de Andrea Rieniets (1995).
  3. David Newman, Mark D'Astoli et Mark Trudinger étaient d'autres collaborateurs clés de la MASA à cette époque.
  4. Ce document est né après que David Epston et Michael White aient travaillé ensemble à Adélaïde en août 1985.
  5. Lettre d’Australie : Epston mais implicite (Errances Narratives)
  6. Qu'est-ce qu'une bonne question ? (Errances Narratives)
  7. Pour plus d'informations sur ces développements, voir Epston (2011).
  8. L'appartenance, le sacré et la libération (Errances Narratives)
  9. Parmi eux figuraient David Newman, Michael Flood, Ben Pennings, Mark D'Astoli et Mark Trudinger.
  10. Par exemple, la Dulwich Centre Foundation International va bientôt s'engager dans un projet de lutte contre la violence sexiste en Palestine et au Kurdistan, en Irak, qui repose à la fois sur des partenariats entre hommes et femmes et des partenariats interculturels. Pour plus d'informations, contactez la Dulwich Centre Foundation International c/o dulwich@dulwichcentre.com.au
  11. Des exemples de ces chansons peuvent être écoutées à l'adresse suivante : www.dulwichcentre.com.au/songs.html
  12. Traduction française du livre "Au delà de la Prison, recueillir les rêves de liberté" disponible sur Lulu.com
  13. Cheryl White a récemment réintégré le Friday Afternoons au Dulwich, cette fois en ligne à l'adresse suivante : www.narrativetherapyonline.com
  14. Communication personnelle de Cheryl White, le 3 mai 2011.
  15. Guérir à notre façon : approches culturelles du travail avec les familles et les communautés aborigènes touchées par le traumatisme de la violence, 1er et 2 mars 2011. Organisé par le Family Worker Training, NSW (www.fwtdp.org.au)
  16. La violence latérale peut se produire au sein de sociétés opprimées et peut englober l’intimidation, le commérage, la honte, les querelles; elle comprend aussi le blâme que formulent des membres d’un même groupe social à l’égard d’autres membres, de même que la méfiance ou manque de confiance envers d’autres membres du groupe.
  17. Les contributions de Lynn Tron à ce processus ont été inestimables.
  18. Un extrait de cette présentation a été récemment publié, White (2011).
  19. L'équipe au Zimbabwe était composée de Michael White, Cheryl White, Shona Russell et David Denborough, tandis que l'équipe en Ouganda était composée de Michael White, Cheryl White, Eileen Hurley et David Denborough.
  20. Cette équipe comprenait également Carolynha Koolmatrie, Shona Russell, Sue Mitchell et Barry Sullivan.
  21. Pour des exemples, voir : www.dulwichcentre.com.au/tree-of-life.html et www.dulwichcentre.com.au/team-of-life.html
  22. Voir Denborough (2010a)
  23. Voir Denborough (2011b)
  24. Le travail de Caleb Wakhungu ne consiste pas seulement à donner la priorité à l'activité économique basée sur le marché, mais, par le biais du principe du "don de donner" et une variété de pratiques narratives collectives qui lient l'action individuelle à une éthique collective et l'action collective (clubs d'épargne, processus de construction de logements collectifs), elle donne également la priorité à ce que l'on appelle parfois les "économies parallèles" (Gibson-Graham, 2006, p. 58) ou les "économies non marchandes" (Gibson-Graham, 2006, p. 26). En même temps, les travaux du Mt Elgon donnent la priorité au "développement" d'économies écologiquement durables et à la biodiversité, et représentent donc l'utilisation de pratiques narratives collectives pour déclencher et soutenir trois volets interdépendants de divers "développements" économiques : l'activité économique fondée sur le marché, les transactions/relations non commerciales et la transformation environnementale et économique. C'est pourquoi je qualifie leur travail de "développement économique diversifié".
  25. Pour des informations sur le travail des théraeputes narratifs palestiniens, voir : www.dulwichcentre.com.au/narrative-responses-to-trauma-in-palestine.html. Ce site web contient également une présentation de l'équipe de praticiens narratifs qui a participé à ce projet, notamment Shona Russell, David Newman, Chris Behan, Geir Lundby, Jill Freedman, Sue Mitchell, Stephen Madigan, Cheryl White et David Denborough.
  26. Voir Working with memory in the shadow of genocide : The narrative practices of Ibuka trauma counsellors (Denborough, 2010b).
  27. Je tiens à souligner ici les partenariats à long terme suivants, grâce auxquels mon engagement dans les pratiques narratives collectives a vu le jour :
    • en ce qui concerne les questions de genre : avec Cheryl White et Mary Heath
    • par rapport aux considérations de culture : avec Taimalieutu Kiwi Tamasese et Charles Waldegrave de l'Équipe de la Thérapie Juste
    • en ce qui concerne les relations aborigènes/non aborigènes : avec Tante Barbara Wingard.

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