Remembrement à Bordeaux, une Master Class avec David Epston

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Un excellent billet écrit par Wolfgang Tonninger le 9 avril 2014 : Re-Membering Bordeaux, a Masterclass with David Epston.

Qu'est-il arrivé à Bordeaux du 19 au 21 Mars 2014 ? Et comment ce qui s'y est passé a pu se passer ? Et qu'avons-nous vu David faire différemment qui fait que ce qui est arrivé a pu arriver ?

David Epston a encerclé l'essence du travail de la narrative en nous montrant "comment être un musicien de jazz", comme l'avait précédemment suggéré Michael White. Avec son habit de flâneur, il a évité le centre et a préféré vagabonder le long des lisières d'une discipline, qui "n'a la propriété sur rien", comme il l'a si bien souligné. Sachant que, à chaque respiration, si vous vous concentrez sur l'essence, vous y perdez en présence.

Ce fut un véritable "tour de force" qui nous a fait voyager à travers l'histoire de la narrative, qui nous a continuellement encouragé à expérimenter de nouvelles voies et conversations, à utiliser les cartes narratives et à "explorer le non-cartographié". Mais ce ne fut pas juste une conférence, c'était empli d'histoires et de vie condensées sous forme d'anecdotes. Des histoires, des histoires, et encore des histoires qui nous ont fait passé de Kirsten Hastrup à Jose Luis Borges, de Victor Turner à Erving Goffman, de Primo Levi à Arthur Frank, de Emil Durkheim à Marcel Mauss, de Eduardo Galeano à Michel Foucault, de Zygmunt Baumann à Jaques Derrida, de Jay Ruby à Paul Watzlawick, de Barbara Myerhoff à David Rosenhan, de David Epston à Michael White, et ainsi de suite.

Michael et David, il y a un bout de temps

David a incarné ce que la pratique narrative est de façon authentique, une anti-méthode, une déviation sur elle-même, sachant que les sens cachés n'apparaissent pas au centre mais dans des endroits bizarres, au hasard. Comme les pêcheurs, nous sommes à la recherche de moments étincelants dans la vie de nos clients. Et si nous ne les trouvons pas dans le passé, nous allons les chercher dans le futur, en quête d'espoirs et de souhaits. La flèche du temps nous appartient.

Il a parlé de ​l'art du questionnement et comment poser des questions qui sont assez étranges pour ouvrir de nouvelles fenêtres dans l'espace des possibilités, mais pas trop étranges pour ne pas égarer votre client dans un coin de l'espace et le laisser coincé à cet endroit. "Narrative" est un verbe. "Narrative" est mouvement. Il n'y a pas de recherche d'une vérité unique, car il n'y a pas de lieu unique dans la pratique narrative. Plus vous avez de possibilités, mieux c'est. La pratique narrative est souvent confondue avec la narration (storytelling). Mais en réalité, cela marque un vrai tournant lorsque l'histoire émerge à partir des questions et que le client devient le narrateur de l'histoire.

Il a parlé de don et contre-don, et des règles de l'hospitalité. Vous me donnez votre problème et je vous rembourse en vous fournissant le contexte propice pour que vous trouviez une solution. Je vous donne mes questions et vous me remboursez en partageant la paternité de votre histoire et en m'autorisant à grandir à travers vous. Et je vous rembourse à mon tour en étant le témoin de ce moment où vous vous ré-appropriez et recueillez les pépites d'or de votre histoire.

Qu'est-ce qu'une bonne histoire ? Une histoire qui mène la conversation sur le problème dans une nouvelle direction et incite à de nouvelles actions. A l'image de Kirsten Harstrup, l'anthropologue danoise, qui a déclaré après avoir vu une représentation sur scène de sa vie, et se trouvant en même temps dans un "état de non-moi et de non-non-moi" : "J'ai vu ma vie comme jamais auparavant et j'ai fait des choses qu'auparavant je n'aurais jamais pensé avoir pu faire" (NdT : lire l'article Le Témoin Intérieur (Insider Witness)).

La Narrative est une aventure. Nous sommes en permanence "en train d'étudier" et de "nous interroger sur nous-mêmes". Au lieu de creuser en profondeur, nous sommes des "surfaces réfléchissantes". Ou, comme Michael et David l'ont retraduit ensemble en deux phrases dans leur manifeste de 1992 : "Nous nous inventons dans la pratique et nous allons ensuite voler des idées pour nous expliquer".

Ce séminaire à Bordeaux, ce fut comme entrer dans un vaisseau spatial de retour vers le futur. Une manière continuelle de ré-imaginer et repenser le travail narratif. Un "mouvement des pensées", un processus constant de brassage et de re-brassage qui a clairement montré que la pratique narrative est tout sauf rigidifiée et pure. Elle est sauvage. Elle est diversité. Elle est toujours dans le dialogue. La co-construction. Lorsque David parlait, j'ai à un moment presqu'entrevu Michael sur sa bicyclette qui passait par là. Et cette phrase de Simone Weil m'est revenue à l'esprit : "L'absence est juste une autre façon d'apparaître".