Michael White et Steve de Shazer : nouvelles orientations de la thérapie familiale : Différence entre versions

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White (1989a), en revanche, a proposé "une thérapie du mérite littéraire"<ref>Une thérapie du mérite littéraire a été proposée, qui s'intéresse à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces histoires alternatives. Après que ''Literate Means to Therapeutic Ends'' ait été republié par W.W. Norton sous le titre ''Narrative Means to Therapeutic Ends'' en 1990, cette thérapie du mérite littéraire, ou thérapie pour redevenir auteur, a été progressivement désignée sous le nom de "thérapie narrative".</ref>. Avec David Epston, il s'est tourné vers l'analogie textuelle comme métaphore organisatrice de son œuvre : "L'analogie textuelle... a permis de conceptualiser le développement des vies et des relations en termes de lecture et d'écriture de textes, dans la mesure où chaque nouvelle lecture d'un texte est une nouvelle interprétation de celui-ci, et donc une écriture différente de celui-ci" (White et Epston, 1990, p. 9). Les personnes ont des interactions vivantes avec leurs histoires, ce qui crée une richesse qui dépasse le simple fait d'être des récepteurs d'informations, c'est la double description<ref>La ''double description'' est une forme de questionnement qui permet à une famille de voir à la fois l'influence du problème sur sa vie, mais aussi son influence sur le problème. À partir de la deuxième description qui lève une partie des contraintes, la famille développe une nouvelle image d'elle-même et
 
White (1989a), en revanche, a proposé "une thérapie du mérite littéraire"<ref>Une thérapie du mérite littéraire a été proposée, qui s'intéresse à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces histoires alternatives. Après que ''Literate Means to Therapeutic Ends'' ait été republié par W.W. Norton sous le titre ''Narrative Means to Therapeutic Ends'' en 1990, cette thérapie du mérite littéraire, ou thérapie pour redevenir auteur, a été progressivement désignée sous le nom de "thérapie narrative".</ref>. Avec David Epston, il s'est tourné vers l'analogie textuelle comme métaphore organisatrice de son œuvre : "L'analogie textuelle... a permis de conceptualiser le développement des vies et des relations en termes de lecture et d'écriture de textes, dans la mesure où chaque nouvelle lecture d'un texte est une nouvelle interprétation de celui-ci, et donc une écriture différente de celui-ci" (White et Epston, 1990, p. 9). Les personnes ont des interactions vivantes avec leurs histoires, ce qui crée une richesse qui dépasse le simple fait d'être des récepteurs d'informations, c'est la double description<ref>La ''double description'' est une forme de questionnement qui permet à une famille de voir à la fois l'influence du problème sur sa vie, mais aussi son influence sur le problème. À partir de la deuxième description qui lève une partie des contraintes, la famille développe une nouvelle image d'elle-même et
 
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Version du 24 avril 2020 à 19:02

>> TRADUCTION EN COURS <<

Traduction par Fabrice Aimetti de l'article
"Michael White and Steve de Shazer: new directions in family therapy" de Jeff Chang et Michele Phillips,
chapitre 5 du livre "Therapeutic Conversations" de Stephen Gilligan & Reese Price publié en 1993 chez W. W. Norton and Company, Inc.


C'était une journée bien remplie à l'institut de la santé mentale des adolescents.

Dans la salle 1, un thérapeute rencontrait Kyle, son père, sa mère et son plus jeune frère. Dernièrement, Kyle avait commis des vols à l'étalage, traînait dans les centres commerciaux et les boutiques avec une "vilaine bande", restait dehors tard et rentrait à la maison ivre ou défoncé. Après un questionnement minutieux, le thérapeute a laissé entendre que toute la famille était "sous l'influence" du problème. Le problème avait poussé la famille à élaborer une histoire pour elle-même, et pour Kyle en particulier, qui était pleine de désespoir, d'impuissance, de colère et de frustration. Il a continué à interroger les membres de la famille sur la façon dont leur vie et leurs relations étaient plongées dans le récit du problème. La famille a reconnu que cette histoire s'était installée chez eux dans 75 % des cas et que si cela continuait, Kyle se retrouverait en prison et la relation avec les parents serait détériorée.

Le thérapeute a demandé : "Que se passe-t-il pour les autres 25% du temps ? Qu'a fait Kyle pour résister au problème et écrire une nouvelle histoire pour lui-même ?" Les parents de Kyle ont alors donné des exemples. Le thérapeute a demandé aux membres de la famille comment ils avaient pu créer un contexte pour ce problème, même par inadvertance, et ils ont convenu que leur surveillance assidue de Kyle avait probablement créé un contexte pour qu'il se rebelle encore plus.

Pour conclure la séance, le thérapeute a énoncé solennellement qu'il s'agissait d'un carrefour dans la vie de la famille. Ils pouvaient prendre position contre le problème ou se résigner face à la vieille histoire. Le thérapeute a demandé à la famille d'expérimenter la nouvelle histoire dans les semaines à venir pour voir si elle souhaitait continuer à l'inscrire dans sa vie. Cependant, le thérapeute pensait secrètement que l'expérience était une pure formalité, car les membres de la famille étaient moins critiques vis-à-vis de Kyle et plus optimistes quant à la résistance au problème.

Dans la salle 2, un autre thérapeute rencontrait pour la première fois Teresa, également âgée de 15 ans, et Donna, sa mère. Elles étaient "comme chien et chat". Teresa n'était pas allée à l'école depuis plusieurs semaines. De plus, elle rentrait à toute heure de la nuit et sa mère avait peur que Teresa soit sexuellement active. Après avoir obtenu cette description du problème, le thérapeute a demandé à Teresa et Donna ce qui se passait lorsque le problème ne se manifestait pas. Donna se souvient que les choses s'étaient calmées pendant environ quatre jours, même si ce n'était que pour une partie de la journée, et que les deux femmes avaient eu une conversation agréable. Donna avait même eu la pensée fugitive que les choses étaient peut-être en train de s'améliorer. Mais quelques jours plus tard, le plancher s'est à nouveau effondré, du moins c'est ce qu'il semblait à Donna.

"Que faisiez-vous tous les deux", a demandé le thérapeute, "pour que ces quatre bonnes journées se succèdent ?" Elles ne savaient pas. "Eh bien", répondit le thérapeute, "qu'y avait-il de différent dans ces journées ?" Donna se souvient que, pour une raison inconnue, elle s'était sentie plus énergique le matin. Elle avait salué Teresa avec un "bonjour" joyeux chaque jour. Pour Teresa, cela signifiait que sa mère se souciait vraiment d'elle et qu'elle ne cherchait pas seulement à gâcher son plaisir et à la contrôler.

La majeure partie de l'entretien a consisté à raconter certaines des autres choses que chacune des participantes a appréciées dans ce que l'autre avait fait. À la fin de la séance, le thérapeute n'avait aucune suggestion nouvelle ou intéressante à leur faire. Il leur a dit que puisqu'elles avaient été si claires sur ce qui avait été utile, elles devraient simplement faire encore plus de ce qui fonctionne. Une deuxième séance était prévue pour les semaines suivantes, mais en sortant, Donna a dit : "Je ne pense pas que nous en aurons besoin".

Ensuite, les deux thérapeutes se sont croisés dans la salle de café. En se racontant leurs entretiens, ils ont été frappés par la façon dont le processus des entretiens avait, dans chaque cas, fait émerger des solutions que leurs familles clientes respectives avaient déjà mises en œuvre, même si elles ne le savaient pas. Leurs deux entretiens étaient très éloignés sur le plan du style, mais les similitudes avaient éveillé leur curiosité.

De nombreux lecteurs reconnaîtront les approches thérapeutiques mentionnées dans ce récit comme étant celles de Michael White et de Steve de Shazer, respectivement. Bien que cette histoire soit fictive, elle est symbolique de l'exploration dans laquelle nous nous sommes engagés individuellement et ensemble au cours des quatre dernières années. Notre attirance pour ces approches et notre observation de leurs similitudes et de leurs différences nous ont amenés à essayer de placer ces deux approches thérapeutiques dans leur contexte[1].

C'est une question de style

Les thérapeutes qui ont vu ces deux pionniers au travail, en direct ou sur enregistrement, auront immédiatement été frappés, comme nous, par les différences stylistiques entre les deux approches. Nous avons relevé quelques distinctions de style.

Micro vs Macro

Une différence est que le travail de White est "macro" alors que celui de Shazer est "micro". Le travail de White s'inscrit dans un contexte social plus large. Par exemple, dans son travail avec les couples, il discutera parfois de la pression de la société pour être un "couple moderne" (White, 1986b) ; avec une jeune femme souffrant d'anorexie, il pourra discuter de la manière dont les "idées patriarcales" ont influencé sa vie (White, 1989b). Le langage de White a une coloration politique. Sa description des gens comme étant "opprimés" par les problèmes (White, 1988) suggère que le fait de susciter le changement consiste à sortir les gens de leur oppression. Il y a aussi une coloration politique dans sa critique de toute étiquette liée au diagnostic psychologique. Avec des jeunes souffrant de schizophrénie, il "remet en question les aspects dominants de la classification scientifique" (White, 1987a). White incite ses clients à se rebeller contre l'oppression du problème externalisé, contre le problème qui soutient les croyances de la société, et contre la classification et tout étiquetage. L'image suggérée est celle d'un révolutionnaire politique.

De Shazer maintient une approche "micro", pragmatique et non politique. Les données sur la famille d'origine, le genre et le contexte social élargi n'entrent pas dans les considérations cliniques. Plutôt que d'utiliser le langage pour inciter les clients à prendre conscience, de Shazer utilise un langage préétabli pour créer une espérance du changement. Pour nous, un parfum de bouddhisme s'en dégage (voir Nunnally et al., 1986). L'image suggérée est celle d'un explorateur curieux à la recherche de solutions.

Technologie vs Art

Le travail de De Shazer a une dimension technologique, tandis que l'approche de White est plus esthétique. Sans être déshumanisant, le travail de De Shazer s'est concentré sur l'élaboration de cartes thérapeutiques qui soient susceptibles d'être enseignées : "Depuis que j'ai commencé à pratiquer et étudier la thérapie brève en 1969, la question des observateurs, "Comment avez-vous décidé d'utiliser ce type d'intervention ?" m'a tourmenté... La question continue de se poser et la réponse, ou du moins l'approche d'une réponse, est le but de ce livre" (1985, p. 3). Dans ce but, de Shazer a adopté une posture minimaliste, ramenant la thérapie à l'essentiel. Il a été le premier à utiliser des systèmes experts (de Shazer, 1988 ; Gingerich et de Shazer, 1991) pour cartographier certains aspects de la prise de décision par les thérapeutes. De Shazer reconnaît que ce type d'élaboration de cartes ne relève pas de "l'art" de faire de la thérapie.

White (1989a), en revanche, a proposé "une thérapie du mérite littéraire"[2]. Avec David Epston, il s'est tourné vers l'analogie textuelle comme métaphore organisatrice de son œuvre : "L'analogie textuelle... a permis de conceptualiser le développement des vies et des relations en termes de lecture et d'écriture de textes, dans la mesure où chaque nouvelle lecture d'un texte est une nouvelle interprétation de celui-ci, et donc une écriture différente de celui-ci" (White et Epston, 1990, p. 9). Les personnes ont des interactions vivantes avec leurs histoires, ce qui crée une richesse qui dépasse le simple fait d'être des récepteurs d'informations, c'est la double description[3].

Précurseurs

Influence de Bateson

Remerciements

Nous tenons à remercier Karl Tomm et William Hudson O'Hanlon pour leurs commentaires sur les versions précédentes de cet article et leurs encouragements personnels. Nous aimerions également remercier nos collègues de l'équipe clinique de Wood's Homes au cours des années 1988-1991 pour avoir fourni une ambiance d'équipe stimulante et le soutien indéfectible nécessaires à la co-création de ces idées. Ce chapitre est basé sur les travaux présentés précédemment à la Family Therapy Participants' Conference à Calgary, en mai 1988, et à la réunion de la Alberta Association for Marriage and Family Therapy à Edmonton, en octobre 1988.

Notes

  1. Récemment, Kate Kowalski et Michael Durrant (1990) et Matthew Selekman (1989, 1991) ont publié des comptes rendus de leurs travaux reflétant l'influence commune de White et de Shazer.
  2. Une thérapie du mérite littéraire a été proposée, qui s'intéresse à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces histoires alternatives. Après que Literate Means to Therapeutic Ends ait été republié par W.W. Norton sous le titre Narrative Means to Therapeutic Ends en 1990, cette thérapie du mérite littéraire, ou thérapie pour redevenir auteur, a été progressivement désignée sous le nom de "thérapie narrative".
  3. La double description est une forme de questionnement qui permet à une famille de voir à la fois l'influence du problème sur sa vie, mais aussi son influence sur le problème. À partir de la deuxième description qui lève une partie des contraintes, la famille développe une nouvelle image d'elle-même et de ses capacités.