Discours désincarné (et les questions qui insistent sur l'incarnation)

Disembodied speech (and questions that insist on embodiment)

(Désincarnées) ... Les façons de parler "expertes" incluent celles qui (a) obscurcissent les motifs ou les objectifs associés aux discours d'une personne, (b) suppriment toute référence aux expériences personnelles par lesquelles les revendications de savoirs d'une personne sont faites, (c) excluent les informations sur les luttes et les dilemmes personnels et interpersonnels qui sont associés à la construction de ses réalités préférées (cela comprend l'effacement des expériences personnelles de contestation et d'argumentation par lesquelles les revendications de savoirs d'une personne sont établies), (d) détournent l'attention des engagements personnels qui sont influencés par la position d'une personne dans le monde social en termes de genre, de race, de culture, de classe, de travail, d'orientation sexuelle, etc. et (e) suppriment toute référence à l'histoire de la polémique et de la divergence d'opinion qui entoure toutes les revendications de savoirs "globaux".

... le caractère persuasif et impressionnant de ces discours (désincarnés) peut être entamé par le principe d'incarnation ; c'est-à-dire en situant ces discours dans le contexte (a) des motivations et des objectifs de l'orateur, (b) de ses expériences personnelles, y compris celles qui ont trait aux dilemmes et autres luttes que l'orateur a connus dans le processus d'attribution d'un sens à ses expériences de vie, (c) des engagements qui sont influencés par leur position dans les mondes sociaux du genre, de la culture, de la race, de la classe, de la préférence sexuelle, etc. et aussi en mettant en avant l'histoire de la polémique qui entoure les revendications objectives de l'orateur en matière de savoirs...

Pour encourager les orateurs à replacer leurs opinions dans le contexte de leurs objectifs, nous pourrions poser des questions du type : Vous avez donc une opinion bien arrêtée sur ce que je devrais faire. Dites-moi, en exprimant votre opinion de cette manière, quel effet espérez-vous que cela puisse avoir sur ce que je fais ? Ou peut-être pourrions-nous demander : Si vous parveniez à influencer ce que je fais à cette occasion, comment cela s'inscrirait-il dans vos objectifs généraux pour ma vie ? Ou peut-être : Je pense que je comprends un peu comment vous aimeriez que votre opinion façonne ce que je fais en ce moment. Comment cela s'inscrit-il dans vos objectifs généraux pour ma vie ? Comment cela s'inscrit-il dans vos projets pour ma vie ?
Pour encourager les orateurs à replacer leurs opinions dans le contexte de leur expérience vécue, nous pourrions essayer quelque chose comme : Pourriez-vous me parler de certaines de vos expériences de vie personnelles qui ont joué un rôle central dans l'élaboration de cette opinion ? Cela m'aiderait, car j'en saurais alors plus sur la façon de prendre votre avis, et je pourrais peut-être identifier les éléments de votre opinion qui pourraient me convenir. Peut-être pourrais-je ensuite parler de certaines de mes propres expériences de vie et partager avec vous certaines des conclusions que j'ai tirées de tout cela.

Pour encourager les orateurs à replacer leurs opinions dans le contexte de leur situation dans le monde social, nous pourrions essayer quelque chose du genre : Dans quels cercles ces opinions sont-elles les plus fortes ? Tous les membres de ces cercles sont-ils d'accord avec cette opinion ? Si certaines de ces personnes étaient ici avec nous, comment s'y prendrait-elles pour soutenir votre opinion ? Que pensez-vous qu'il arriverait si, en leur présence, vous étiez en désaccord ? Quel genre de pression pensez-vous que vous subiriez pour vous conformer, pour vous rétracter ? Quelles conséquences pensez-vous que vous auriez à subir si vous n'acceptiez pas de le faire ?

Mais ce n'est qu'un petit échantillon des possibilités de réponse qui déconstruisent les "vérités" défendues dans les discours désincarnés. Et je tiens à souligner que ces questions n'ont pas besoin de réponse pour être efficaces. En posant de telles questions, les personnes soumises à des discours désincarnés deviennent moins esclaves et sont placées devant de nouvelles possibilités d'action. (White, 1995b, pp. 128-130)